Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/506

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

che pardessus. Plus la gelée aura pénétré profondément dans la terre, plus le nombre des molécules soulevées sera considérable ; dès-lors l’air, le sel qu’il contient, la pluie, &c., les pénétreront plus intimement, & commenceront à disposer les matériaux de la grande fermentation qui doit s’exécuter au renouvellement des chaleurs. Ainsi, une gelée un peu forte équivaut presque à un labour, même pour les terres déjà ensemencées, parce qu’elle fournit aux plantes les moyens d’enfoncer leurs racines.

La neige amende la terre, & on dit improprement qu’elle l’engraisse : elle ne porte point avec elle le principe de l’engrais ; elle ne peut donc pas engraisser. Est-ce par son sel ? La neige n’est autre chose que de l’eau glacée par petites parcelles ; & l’eau même de mer, si elle est glacée, ne contient point, ou du moins très-peu de sel, ni aucune autre des substances qui rendent l’eau de mer imbuvable. La partie saline & visqueuse se précipite, & la glace d’eau de mer, réduite à son état d’eau, est buvable, très-saine, & se conserve presqu’autant que celle de la meilleure fontaine. L’eau de l’atmosphère subit la même loi. En effet, l’expérience prouve que la neige réduite en eau tient moins de sel en dissolution que l’eau de pluie. La neige n’engraisse pas la terre par ses parties visqueuses, &c. L’expérience prouve encore que l’eau en se cristallisant sous la forme de neige, devient l’eau la plus pure : elle agit sur la surface de la terre d’une manière purement mécanique, comme le froid, mais non pas par le même moyen ; elle empêche l’évaporation des principes constituans & nourrissans des plantes qui se seroient perdus dans l’immensité de l’atmosphère. À mesure qu’ils s’élèvent du sein de la terre, la neige, qui forme une croûte, les retient, les oblige de se recombiner avec le sol, avec les plantes ; peut-être la neige elle-même se les approprie, & les rend à la terre lorsque le moment de fondre est arrivé. C’est dans ce sens qu’il faut entendre ce proverbe : La neige qui tombe engraisse la terre. Tant que la neige couvre la terre, la végétation n’a pas lieu dans les feuilles, à cause du froid du corps ambiant ; mais les racines ne cessent de s’étendre dans son sein, & le collet de la plante se fortifie. Voyez au mot Amandier, Chapitre IV, page 457, l’expérience de M. Duhamel, qui prouve que la végétation est toujours relative à la chaleur environnante.

Comme les mots Eau, Neige, Pluie seront traités séparément, il est inutile d’entrer ici dans de plus grands détails.


CHAPITRE II.

Des Amendemens artificiels.


Avant d’entrer dans aucun détail, il convient de rapporter quelques expériences. Elles équivaudront à des principes dont il sera facile de tirer des conséquences. Cette manière de présenter les objets vaut mieux que le raisonnement, parce qu’on n’est pas obligé de croire sur parole, & que chacun peut se convaincre par lui-même, en répétant l’expérience. Ce que nous allons dire, d’après l’excellent mémoire de M. Tillet, de l’académie