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AQUILEGIA. (Voyez Ancolie)


ARAIGNÉE. Il est inutile de traiter cet article en naturaliste, qui en compte de quarante à quarante-huit espèces. La vie & les mœurs de cet insecte intéressent peu l’agriculteur, & nous n’en parlerions pas, s’il n’étoit pas nécessaire de détruire des préjugés dictés par l’ignorance, perpétués par une sotte crédulité, & souvent fortifiés par la charlatanerie. Il s’agit d’examiner, 1o. si on peut avaler l’araignée sans danger ; 2o. si sa morsure est venimeuse ; 3o. si la médecine doit tirer quelqu’avantage de l’insecte & de ses produits ; 4o. de quelle utilité elles sont pour les arts utiles.

1o. Beaucoup d’auteurs se sont servilement copiés les uns après les autres, & assurent, sans un examen réfléchi, que l’homme, que les chevaux, que les bœufs, les moutons, &c. meurent lorsqu’ils avalent des araignées. Il faut détruire des assertions par des faits. On ne révoquera pas en doute le témoignage d’Albert le Grand, qui assure avoir vu, à Cologne, une jeune fille manger des araignées. Simon Scholzius dit avoir étudié à Leyde avec un jeune écossois qui cherchoit ces insectes dans tous les coins des appartemens, les mangeoit avec avidité, & les regardoit comme un mets très-agréable. Borelli & Offrédus ont vu, l’un à Orléans, & l’autre à Padoue, la même singularité, sans qu’il en résultât le plus léger inconvénient. M. Redi, le docteur Fairfax, assurent avoir vu des gens avaler des araignées de la plus vilaine espèce, sans en être incommodés. En France, M. de Réaumur & M. de Lahire le fils, sont encore des témoins éclairés & dignes de foi, dont on ne peut suspecter le témoignage. J’atteste avoir vu un membre très-distingué de l’académie royale des sciences de Paris, braver le préjugé vulgaire, manger les différentes espèces d’araignées que la compagnie où je me trouvois lui présentoit, & n’en être pas plus affecté que s’il avoit avalé un morceau de pain ; il leur trouvoit un goût de noisette.

D’après des témoignages aussi multipliés, auxquels on pourroit en ajouter une infinité d’autres, le fait n’est plus équivoque. L’araignée avalée n’est donc pas un poison. On se retranchera peut-être à dire que telle espèce est venimeuse, & telle autre ne l’est pas. J’ose croire qu’aucune espèce n’est un poison, simplement mâchée, avalée & digérée ; mais est-elle un poison lorsque son venin est appliqué directement, & se mêle avec le sang ? Cette distinction est importante à faire, & peut-être concourroit-elle à concilier les opinions. Souvent on a conclu de l’un par l’autre.

2o. La morsure des araignées est-elle venimeuse ? Si on croit sur parole, ou si on est convaincu par l’expérience que l’animal quelconque mordu par cet insecte, ou qui l’avale, en éprouve des suites fâcheuses, pourquoi a-t-on l’imprudence de laisser cet animal travailler tranquillement à ourdir sa toile sous les planchers, vers les fenêtres des écuries, des greniers à paille, à foin, &c. ? Cette négligence impardonnable, & qui tient d’ailleurs à la mal-propreté, s’accorde bien peu avec la croyance. La cause du mal