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angles s’abaissent à soixante & dix, l’arbre décline, languit à quatre-vingts, & rarement il dure jusqu’au parallélisme de ses branches avec le quatre-vingt-dixième degré.

Je ne dis pas que l’âge de l’arbre soit numérique avec celui des degrés, mais l’intensité de la force de sa végétation suit les degrés de ces différens angles. Lorsque la totalité des branches inférieures est à soixante-dix, quatre-vingts, & quatre-vingt-dix degrés, il est rare que les branches du sommet qui ont les premières décrit les angles de dix à vingt degrés, ne soient desséchées & mortes.

Les forestiers disent qu’un arbre est couronné, qu’il est en décours, ou sur le retour, lorsque les branches du sommet se dessèchent. C’est bien plus qu’être sur le retour, c’est toucher à la décrépitude, & être à la veille de l’extinction totale. Ce qui proprement forme la couronne, est l’angle de soixante à soixante-dix degrés pour la totalité des branches.

Quelle est la cause de cette inclinaison successive ? Je crois que plusieurs concourent au même but. Chaque année, la branche qu’on peut comparer à un levier, s’alonge ; le poids augmente en raison de l’alongement. L’air pèse sur la branche : les feuilles ont aussi leur pesanteur spécifique ; elle augmente par l’absorption de la rosée ; quelquefois elles sont surchargées de pluie, de neige, &c. enfin le fruit, par une progression successive, acquiert plus de volume, & agit alors vivement par son poids. C’est ce qu’on observe lorsqu’on dépouille une branche chargée de fruit ; elle plioit sous le fardeau, elle reprend sa direction naturelle ; mais elle ne remonte jamais au même point d’où elle a commencé à descendre, & reste toujours à quelques degrés plus bas.

Une autre cause également mécanique de l’inclinaison des branches, est l’oblitération des canaux dans la partie du dessous de la branche. Comme ils n’ont plus le même diamètre, & cependant comme la séve monte toujours avec impétuosité, elle distend ceux de ses côtés & du dessus, & les uns & les autres prennent plus de consistance & de grosseur au dépens de la partie qui s’affoiblit. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner la forme extérieure d’une branche dans l’endroit où commence sa courbure & ensuite la couper verticalement dans le même endroit, afin de voir quelle différence il se trouve dans les diamètres des couches concentriques du bois.

Les règles qu’on vient d’établir suffisent pour désigner la véritable époque à laquelle on peut couper un arbre, ou abattre une forêt.

L’arbre replanté, & dont on a coupé le pivot, suit jusqu’à un certain point la loi générale, quoiqu’on l’ait couronné lorsqu’on l’a mis en terre. Cependant ces amputations, les plaies dont il est couvert, les suçoirs dont il est dépouillé, le font souvent s’écarter de la marche ordinaire ; mais il est constant que tout arbre qui aura végété sans le secours destructeur que l’homme prodigue à ceux qu’il réduit en esclavage, présentera le phénomène que j’annonce ; & s’il survient quelques exceptions à la loi, on verra,