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premier produit, & le trois-six n’est autre chose que le trois-cinq passé de nouveau à l’alambic.

Pour s’assurer des degrés de spirituosité de l’eau-de-vie & de l’esprit-de-vin, M. Bories a considéré l’eau-de-vie comme un composé d’esprit & d’eau. Ces deux extrêmes ont déterminé les termes fixes dans la division de son échelle de graduation. L’eau pure distillée est le premier terme ; l’esprit ardent, dépouillé de tout autre principe étranger, le second. Le premier point étoit facile à trouver, & le second exigeoit plus de travail. M. Bories fit distiller cent trente pintes d’eau-de-vie rectifiée, connue dans le commerce sous le nom de trois-cinq. Il cessa la distillation lorsqu’il en eut obtenu soixante-cinq, qui subirent une troisième rectification. Le produit fut divisé de huit en huit pintes, & mis à part, jusqu’à ce qu’il en eût retiré quarante-huit.

Pour faire l’essai de l’esprit de vin de la dernière distillation, & s’assurer s’il contenoit encore de l’eau surabondante, il prit une des huit premières pintes de ce même esprit, sur lequel il jeta de l’alcali de tartre pur & sec. La bouteille fut agitée, le sel s’humecta, une partie tomba en déliquescence, une autre adhéra aux parois de la bouteille, & par le repos elle se rassembla au fond. Du nouvel alcali fut ajouté après avoir décanté cet esprit : ne trouvant plus d’humidité superflue, il se grumela & se précipita tout-à-coup dès que le vase fut en repos. Après une seconde décantation, l’alcali qui fut ajouté resta flottant comme une poussière, & l’esprit fut entièrement dépouillé de sa partie aqueuse.

Ce même esprit-de-vin déjà déflegmé fut encore agité avec du nouvel alcali ; & après plusieurs jours de repos & d’agitation successifs, il acquit une légère couleur citrine. Ces mêmes expériences furent répétées sur des eaux-de-vie de Provence, de Catalogne, de marc, &c. Elles prirent, après quelques jours, une teinte jaunâtre plus ou moins foncée. La gravité augmenta à proportion de l’intensité de la couleur, & au bout de quelques mois, l’esprit provenu de l’eau-de-vie de marc, étoit une vraie teinture alcaline onctueuse quoique faite à froid. Ainsi plus les eaux-de-vie sont huileuses, plus elles tiennent d’alcali en dissolution & l’esprit ardent qui surnage le sel n’est pas décomposé ; il reste intact, quoiqu’un peu altéré par une espèce de savon fait avec l’alcali végétal dissous dans l’esprit-de-vin. Le sel de tartre a donc la double propriété de priver l’esprit-de-vin de toute son eau surabondante, & de s’emparer de l’huile grossière qu’il contient.

D’après ce principe, & par cette méthode, M. Bories déflegma quinze pintes d’esprit de la troisième rectification ; elles en produisirent quatorze & un tiers, qui furent laissées en digestion au soleil, pour donner le tems à l’alcali de se combiner avec l’huile. La liqueur devint couleur de paille.

Ces quatorze pintes furent distillées à un feu modéré, & le produit mis à part, pinte par pinte. On en retira huit pintes d’une