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& la fermentation putride s’établissant, ces jolies couleurs s’évanouissent insensiblement ; une couleur brune & livide lui succède, & annonce, par sa présence, la maladie du fruit, qui le conduit à son entière décomposition.

Les fleurs éprouvent le même sort. Choisissez celle que vous voudrez : prenons la reine des fleurs, celle qui l’emporte sur toutes les autres, & par son odeur, & par son port, & par ses couleurs ; la rose. Lorsque le bouton commence à se former, si vous le dépouillez de son calice, vous appercevez les pétales qui ont alors une couleur verte, très-tendre & presque blanche. À mesure qu’elle avance vers son développement, la couleur rose paroît, & anime les pétales les plus intérieurs : dans les endroits où le calice se fend, le rose est un peu plus vif ; c’est l’effet du contact de l’air & de la lumière. L’entier développement établi, elle offre sa couleur dans toute sa vivacité ; mais bientôt

… Elle a vécu ce que vivent les roses,
L’espace d’un matin.


elle s’effeuille ; & ces mêmes pétales, si brillantes un jour auparavant, se ternissent, blanchissent & prennent une couleur sale de feuilles mortes. Presque toutes les fleurs suivent cette même gradation : blanches dans leur berceau, elles se colorent à leur état de perfection, & plus elles approchent de leur mort, plus elles changent & prennent une couleur sale & désagréable. Le pied d’alouette est verdâtre à sa naissance, bleu à sa fleuraison, & blanc à sa mort. Le souci, ainsi que la giroflée jaune-double, est verdâtre à sa naissance, jaune dans sa beauté, & d’un blanc jaune-sale à sa mort ; l’embryon du géranium est vert, sa fleur ponceau ; & sa fanne tombée & mourante, prend une couleur violette-terne. La pivoine, d’un blanc-verdâtre en bouton, prend un beau violet-rouge, & finit par être d’un blanc-sale, &c. (Voyez au mot Corolle, des détails sur la couleur de cette partie de la plante.)

Les feuilles nous offrent un pareil spectacle. Presque toutes les feuilles séminales de toutes les plantes sont d’un jaune nuancé de vert en sortant de terre, & elles ne prennent la couleur verte que par progression : d’abord un vert tendre & herbacé, qui se fortifie de plus en plus, & gagne du côté de l’intensité ; mais enfin la saison de l’automne amenant les frimats, & les feuilles vieillissant, elles prennent bientôt la livrée de cet âge, qui est une couleur terne ; elles passent au jaune, quelques-unes au rouge ; mais toutes finissent, en mourant & en se desséchant, par prendre une couleur brune qui leur est propre, dont on a emprunté la nuance en peinture, sous le nom de couleur de feuille morte. Qui est-ce qui n’a pas remarqué, vers les mois d’octobre & de novembre, où la végétation se ralentit & cesse tout-à-fait, que la nature prend un air triste & languissant ? Les arbres, qui conservent leur verdure tout l’hiver, acquièrent une nuance sombre. Le cyprès, le buis, le sapin, &c. n’ont rien qui récrée la vue. La partie colorante des feuilles, qui est naturellement verte, s’altère & se décompose insensiblement, & passe par différens degrés, avant que de cesser d’animer la nature. Quelquefois, à