Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/20

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construire un réservoir assez grand pour contenir toute l’eau dont on aura besoin dans la journée & même au-delà, & qu’il soit rempli chaque soir avant que les ouvriers quittent la brûlerie ; que, si on travaille la nuit & le jour, il doit être rempli soir & matin, s’il n’est pas d’une assez grande capacité relativement à la consommation. J’insiste fortement sur cet article, parce que sans cette précaution, on aura toujours de mauvaise eau-de-vie. L’eau de la pipe sera trop chaude, & l’eau-de-vie prendra un goût d’empyreume, de brûlé & souvent de cuivre. Je n’ai presque pas vu une seule brûlerie, où je n’aie trouvé l’eau des pipes bouillantes, à moins que le maître n’y veillât lui-même ; au lieu que ce réservoir étant à la hauteur des pipes, & l’eau coulant continuellement dans son fond, chasse l’eau chaude à la partie supérieure, & maintient froide & très-froide la base du serpentin, de manière que le filet d’eau-de-vie qui en sort est froid ; l’eau-de-vie est bien condensée en liqueur, & il ne s’échappe point ou presque point d’esprit ardent par évaporation. Lorsqu’on néglige cette opération ; il s’en répand dans l’atmosphère de l’attelier, jusqu’à affecter les yeux & leur causer de la cuisson. Sur ce fait, je m’en rapporte à l’impression qu’éprouvent les personnes qui entrent dans ces atteliers, & qui n’ont pas coutume de les fréquenter. Ainsi, combien d’esprit ardent perdu, tandis qu’un courant d’eau froide l’auroit retenu ! Voilà comme, de simples & de petites précautions, résultent la qualité & le bénéfice. Pendant la distillation, il s’échappe un fort courant d’air, & pour peu que le filet d’eau-de-vie soit chaud, & par conséquent mal condensé, ce courant entraîne beaucoup de spiritueux.

2. Du vin. Je suppose qu’on construise un cellier ainsi qu’il a été dit ; les cuves serviront de foudres, le vin s’y perfectionnera, & sera conduit par des tuyaux dans l’alambic même ; il ne s’agira que d’ouvrir un robinet. Mon but est qu’un seul homme suffise au service de la brûlerie, ou deux tout au plus.

3. Des caves. (Voyez ce mot) L’esprit ardent, quoique renfermé exactement dans un vaisseau de bois, dans un tonneau, s’évapore en partie, & par conséquent diminue de titre, ou de force, plus particulièrement en été qu’en hiver, à cause de la chaleur. Il est donc essentiel, de tenir les eaux-de-vie dans un lieu frais, peu susceptible des variations de l’atmosphère. Alors, étant toujours dans une température presque égale, (si la cave est bonne) c’est-à-dire, si elle a toutes les conditions que nous avons indiquées ; il y aura très-peu de perte d’esprit ardent.

La cave doit donc être placée près de la brûlerie, ou sous la partie de la brûlerie éloignée des fourneaux. On pourroit, absolument parlant fixer des robinets aux bassiots qui correspondroient à des tuyaux, & ces tuyaux aux tonneaux ou pièces placées en chantier dans la cave : la fraîcheur du souterrein feroit en grande partie perdre le goût de feu contracté par les eaux-de-vie mal fabriquées.

Je conviens que cette manipulation demanderoit beaucoup de vigilance de la part du conducteur de la brûlerie, afin de séparer à temps l’eau-de-vie au-dessus du titre ; celle au