Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/332

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d’environ trente-six pieds de long sur neuf de large, sous laquelle il a fait passer industrieusement de-çà & de-là les branches en quantité, qui en s’élevant lui sont aujourd’hui un berceau, où l’on est à l’ombre pendant les plus grandes chaleurs.

La vendange de ce pied de vigne monstrueux auroit été embarrassante, si l’industrie du propriétaire ne lui avoit pas fourni l’expédient, de pratiquer un treillage mouvant sur un pivot, au moyen de quoi, il rapproche de lui quand il veut les branches qui s’écartent au loin, & en cueille le fruit.

Aujourd’hui que ce pied de vigne occupe toute la face & la hauteur non-seulement de sa maison, mais d’une partie des maisons voisines, le Sr. Billot, après avoir fait les présens ordinaires de ses raisins, fait du surplus un demi-muid de vin, qu’il a le plaisir de boire à l’ombre de la même treille qui l’a produit : c’est dommage qu’Anacréon ne se soit pas trouvé-là. Cet article est tiré des Mémoires de l’Académie Royale des Sciences de Paris, année 1737, p. 73, de l’Histoire, & il lui a été communiqué par M. Vacher, Chirurgien Major à Besançon, & correspondant de l’Académie.

On sera peut-être bien aise de savoir ce qu’est devenu ce cep monstrueux : en 1739 il avoit près d’un pied de diamètre, s’élevoit au moins à 40 pieds, & tapissoit complètement une façade de 125 pieds de longueur. La forte & inattendue gelée survenue vers la fin de septemhre de l’année 1740, détruisit la récolte, & endommagea beaucoup les vignobles du territoire de Besançon. Le cep précieux fut frappé comme les autres, il n’en mourut pas, mais il dépérit insensiblement dans les années suivantes. Sans cet accident funeste ou d’autres de ce genre, cette merveille de l’art & de la nature existeroit encore dans toute sa force ; je connois des ceps plantés dans le siècle dernier, & qui sont aujourd’hui en très-bon état.

Je cite cet exemple, afin que l’on connoisse jusqu’où s’étend la force de la végétation de la vigne, lorsqu’elle se trouve dans un sol qui lui convient. Le plant de muscat est un plant vigoureux ; celui du verjus l’est dix fois davantage, & je mets en fait qu’avec quelques pieds de ce dernier on parviendroit à tapisser jusqu’à la hauteur de cent pieds. Au mot Vigne j’indiquerai la manière de la conduire.

Si on veut garnir le bas des terrasses en arbres fruitiers, & si on fait conduire leur taille, on les plantera, à vingt-quatre pieds les uns des autres, les abricotiers sur-tout, & un pied de vigne entre deux. Voilà pour les provinces méridionales, & dans les septentrionales, de dix-huit à vingt pieds. Plus on multipliera les arbres par le rapprochement, moins on doit espérer leur réussite. Les racines se mélangeront bientôt & s’épuiseront : on veut jouir de bonne-heure en plantant près, & on se trompe, ou du moins on paie bien cher par la suite cette jouissance anticipée. Je conseille de pratiquer aux pieds de ces arbres une plate-bande de trois pieds que l’on remplira de petit jardinage. Ils profiteront merveilleusement de la culture & de l’arrosement que ces petites plantes exigent, & elles ne sauroient nuire à l’arbre, parce que leurs racines ne pénètrent pas assez avant dans la terre.