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qu’elle ait éprouvé le moindre malaise & la moindre incommodité. Si l’on réfléchit que, dans nos usages domestiques, nous ne mangeons pas de l’étain, que nous en avalons tout au plus un atome, lorsque nous mangeons des mets, ou nous buvons les liquides qui y ont séjourné ; que la portion de régule d’arsenic qui se trouve dans cet atome, n’en est que la 576me partie & même quelquefois que la 1152me ; que le régule d’arsenic est infiniment moins dangereux que sa chaux, & que l’arsenic ne peut s’allier à l’étain que dans son état métallique, ce qui diminue beaucoup sa propriété délétère ; qu’enfin ces atomes de régule d’arsenic sont intimement combinés avec l’étain, ce qui en rend absolument nulle sa qualité vénéneuse, on se rassurera sur l’usage de l’étain employé pour ustensile de cuisine & de table. Aussi la vaisselle qui ne seroit faite que de l’étain d’Angleterre, ne seroit-elle pas absolument dangereuse. Vingt siècles d’un usage habituel plaident assez en sa faveur, & démontrent mieux que tous les raisonnemens son innocuité.

On peut en dire autant de l’étain fin ou de l’alliage de deux livres à deux livres & demie de cuivre, d’une de bismuth & de 97 livres d’étain. Ce mélange masque tellement le cuivre, qu’il ne peut se décomposer, se réduire en vert de gris : la trop petite quantité de bismuth l’empêcheroit d’être nuisible, quand il le seroit naturellement, ce qui n’est pas démontré. Tous les jours nous nous servons de la vaisselle d’argent, qui, d’après la loi du prince, contient de cuivre, & l’on n’en craint pas l’usage : or, comme dit très-bien M. Bayen, si yingt-trois parties masquent une partie de cuivre au point de la priver entièrement de les mauvaises qualités ; nous pouvons croire que cinquante ou même quarante parties d’étain, l’en priveront encore plus sûrement. Il n’y a donc pas de danger à courir, en se servant de vaisselle & d’ustensiles d’étain fin au titre de la loi ; mais, par malheur, on n’en fait plus ; & il n’en existe peut-être pas dans tout le royaume. La faïence ayant fait disparoître en partie la vaisselle d’étain, les potiers ne trouvant plus un aussi grand débit de leurs ouvrages, n’ont plus travaillé qu’en étain commun ; & ils ont pris le parti d’introduire du plomb même en assez grande quantité, dans l’étain fin, & d’en mettre outre mesure dans l’étain commun. L’abus a fait naître le danger.

Ce n’est ni du cuivre ni du bismuth, comme nous venons de le voir, encore moins du zinc & du régule d’antimoine, dont les potiers d’étain peuvent abuser ; leur haut prix & l’aigreur qu’ils donnent à l’étain, lorsqu’ils sont en proportion un peu forte, les empêchera toujours de les employer au point de devenir dangereux.

Mais le plomb, ce métal à si bon marché & si dangereux, c’est lui dont les potiers d’étain abuseront toujours, tant qu’on ne veillera pas sur eux, tant qu’une loi sévère ne les forcera pas ou à l’exclure ou à ne l’employer qu’à une dose connue pour n’être pas dangereux.

Les recherches de M. Bayen l’ont convaincu que presque tous les vases que les ouvriers en étain font & vendent, contiennent de vingt à vingt-cinq livres de plomb par quintal. À cette qpse l’étain peut être dan-