Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/383

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ainsi, je n’en parlerai pas : j’observerai seulement, que les pêcheurs se servent de filets à mailles trop serrées, & que chaque coup de filet rapporte une multitude innombrable d’alevins ou petits poissons, que l’ordonnance prescrit de rejeter à la mer, & qui n’est pas suivie. On se plaint que nos côtes se dépeuplent de poissons, & on va chercher bien loin la cause de ce dépeuplement, tandis qu’elle est sous les yeux. Tout le monde sait que le poisson recherche les eaux tranquilles ; afin de déposer son frai dans un lieu bien sûr ; il recherche alors les étangs, & à leur défaut, les endroits couverts de fucus & d’autres plantes marines ; mais un coup de filet équivaut à une très grande destruction, & plus il sera multiplié, plus la destruction est totale. Revenons à notre objet.

Pour peu que la saison soit chaude, que la chaleur se soutienne, & que les vents de mer règnent ; il est constant que la fièvre s’empare des riverains, & cesse de les tyranniser lorsque l’automne ramène la fraîcheur ou des pluies, assez fréquentes à l’équinoxe de cette saison. Cette position fâcheuse n’est pas à comparer aux ravages causés par les épidémies, presque indispensables sur ces plages dans les années chaudes & sèches ; les villages s’y dépeuplent peu à peu, un teint couleur de plomb se montre sur tous les visages des habitans ; & ces malheureux semblent des spectres ambulans. Peut-être que dans vingt à trente ans, il n’existera pas une seule famille dans plusieurs villages situés le long de ces étangs.

Toutes les relaissées d’eau de mer, formées naturellement par des retenues en fables ou en galets, s’atterrissent, leur fond s’élève peu à peu. La mer y contribue, & les eaux pluviales & les petits torrens qui se jettent dans ces bas-fonds, y entraînant des terres, agissent plus directement que les eaux de la mer. Ces atterrissemens sont la cause première de la putréfaction, parce que le terrein se trouvant d’un niveau parfait sur une étendue très-considérable, se dessèche, & toutes les substances animales, & les débris des végétaux, &c. accumulés jusqu’alors, fermentent, se décomposent, pourrissent & infectent l’air. Je ne crois pas qu’il soit prudent de tenter le dessèchement de ces étangs, à moins qu’on ne soit physiquement sûr que cette opération sera exécutée en peu d’années ; autrement, c’est vouloir sacrifier de propos délibéré la vie de tous les riverains. Le long des côtes de la méditerranée, dont le flux & le reflux sont presque insensibles, & dont les plus grandes élévations des eaux n’excèdent pas la hauteur de dix-huit pouces, (je ne parle pas des tempêtes) il vaut beaucoup mieux resserrer l’étang par ses bords du côté du continent, en y élevant de petites chaussées de trois à quatre pieds de hauteur sur une largeur double, & en observant de prendre la terre dans un fossé pratiqué du côté de l’étang. (Consultez ce qui a été dit au mot Dessèchement) Ces chaussées empêcheront, 1°. la communication des eaux douces avec les eaux salées, & le mélange de ces deux espèces d’eau excite leur plus prompte putréfaction ; 2°. au moyen de ces chaussées, on empêchera l’eau de mer de s’étendre sur un fond si uni, si nivelé, que trois