Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/521

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varie dans ses modifications, suivant les années, les espèces & les climats. Chacun peut juger de ces différences, & sans sortir de son cellier, il verra que la fermentation diffère d’une année à l’autre ; de là que de conséquences à tirer, lorsque l’on veut généraliser des principes, ou du moins avec quelle réserve on doit les établir.

La méthode la plus suivie, (au moins dans les provinces méridionales) pour le décuvage des vins, est d’attendre que le marc soit affaissé complètement dans la cuve, & le vin clair & limpide, autant qu’il peut l’être dans ce moment. Il est aisé de concevoir combien est faux le principe d’après lequel on se décide. Le second tableau de M. Poitevin fait connoître la diminution graduelle de la chaleur pendant dix jours au moins, & par conséquent, la perte considérable du spiritueux & de l’air fixe, tous deux les conservateurs du vin. Dans ces provinces, les vins sont si riches en esprit qu’on n’y regarde pas de si près ; mais on devroit observer que ces vins se détériorent aisément ; qu’ils passent promptement à l’acidité & à la pousse ; qu’ils sont toujours plats, quoique fumeux & spiritueux, & qu’ils ne supportent pas l’eau, parce que, privés en grande partie de leur air fixe, l’air qui leur reste n’est pas capable d’aiguiser l’eau, de lui donner du montant, comme cela arrive aux eaux minérales aériennes, aux vins de Champagne, de Bourgogne, &c. Si M. Poitevin avoit attendu la diminution totale de la chaleur, le vin auroit été encore plus plat & plus coloré.

Dans d’autres endroits on attend que le vin soit bien coloré & clair ; mais comme l’intensité de couleur dépend, & de l’année & des espèces de raisins, par là même, ce principe est trop général. La limpidité ou clarté dans le vin, suppose, de toute nécessité, une trop grande fermentation, & trop long-temps soutenue ; le vin est nécessairement dur & mat, & a les mêmes défauts que les précédens. Ces deux méthodes ne portent sur aucun principe décidé, & tiennent trop à l’arbitraire ; car le plus ou moins d’intensité dans la couleur & la clarté du vin, ne sauroient être des signes caractéristiques du moment du decuvage.

La seule réponse que l’on donne communément, & qui semble autoriser cet usage, est que si le vin n’étoit pas bien coloré on ne le vendroit pas. Les parisiens, il est vrai, les hollandois, les marchands & acheteurs du nord les veulent tels, & comme ce sont eux qui assurent le débouché, on est obligé de se conformer à leur goût ; ils ne vendent pas ces vins très-colorés & spiritueux, tels qu’ils les achètent, ils s’en servent, au contraire, pour les couper avec des vins peu corsés & peu vineux, qu’ils achètent dans nos autres provinces : mais je dirai aux languedociens, aux provençaux, &c. ayez des espèces de raisins naturellement plus colorés que les vôtres, qui le sont en général très-peu, alors laissez moins cuver, & vous aurez des vins encore plus recherchés que les premiers.

M. Maupin fixe une époque qu’il regarde comme décisive pour le cuvage, & il s’explique ainsi.

« Le vœu & le but de la nature dans la fermentation du moût est de faire du vin : les moyens qu’elle