Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sur la manière de les nourrir, consultez ce qui a été dit à l’article Bétail, Tom. II, page 224 & suivantes.

Le fromage de Sassenage en Dauphiné, étant composé des trois laits de vaches, de brebis, & de chèvres, doit trouver ici sa place, & nous allons donner le moyen dont on le prépare.

Manière de préparer le Fromage de Sassenage.

Le fromage de Sassenage, en Dauphiné, jouit d’une trop grande réputation pour que nous omettions le procédé employé dans le canton pour le faire & pour le conserver. On prend du lait de vaches & de brebis, si on peut avoir du lait de chèvres, & le joindre aux deux autres, le fromage en vaudra mieux, il acquerra un goût plus fin. On verse ces trois espèces de lait dans un grand chaudron bien propre, que l’on met sur le feu ; on l’y laisse jusqu’à ce que le lait commence à monter, on le retire sur le champ, & on le laisse refroidir ; le lendemain on l’écrême avec une cuiller, & on remet du lait tout chaud que l’on vient de tirer dans la même proportion que la crême que l’on a enlevée ; alors on y jette de la présure, suivant la quantité de lait que l’on a, & dont on veut faire du fromage. On remue bien ce mélange jusqu’à ce que le lait se caille. Quand il est bien pris, on agite le lait caillé pour en faire sortir tout le petit lait que l’on décante dans un autre vaisseau. On prend ensuite des vases de bois de la forme & grandeur que l’on veut donner aux fromages, & on y met tout le caillé. Il faut que ces vases soient percés de petits trous, afin que le reste du petit lait puisse s’égoutter facilement ; trois heures environ après on pose sur ces premiers vases d’autres vases de même forme & grandeur, & retournant adroitement les deux vases sens dessus dessous, vous faites ainsi passer le fromage de l’un dans l’autre. On répète cette opération durant trois jours.

Le fromage ayant pris sa forme & de la solidité, on saupoudre de sel pilé la partie supérieure ; lorsque le sel est fondu, on retourne le fromage, & saupoudre pareillement le dessous & les côtés. Les gens du pays croient que ce sel empêche les vers d’attaquer le fromage, mais son effet est plutôt de rendre la pâte plus ferme, & de le conserver plus long-temps. Quand les fromages ont bien pris leur sel, on les pose sur des planches très-propres, ayant grand soin de les retourner soir & matin, & de ne les pas poser sur la même place, afin que l’humidité qu’ils y déposent ne les fasse pas moisir. On répète cette opération jusqu’à ce que les fromages soient bien secs, & ayent pris une couleur rouge. À cette époque, on les met sur une couche de paille étendue par terre. On le retournera pareillement tous les jours, avec l’attention de les visiter, les nettoyer & enlever sur-tout les vers & les insectes qui pourroient les attaquer. Si par hasard les fromages étoient trop secs, cela viendroit de ce que l’on auroit trop écrêmé dans le commencement ; pour remédier à cet inconvénient, il faut les envelopper de foin tendre, que l’on