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Section Première.

Des animaux & insectes destructeurs des Blés.

Tout le monde connoît les gros rats de campagne ; ils consomment prodigieusement dès qu’ils peuvent se jeter sur les grains ; & comme s’ils avoient peur d’en manquer, ils en emportent dans leurs retraites. La souris, plus accoutumée à trouver une abondante nourriture dans l’intérieur de nos maisons, n’a pas cette même prévoyance ; elle se nourrit & joue avec les grains ; semblable au lapin, son grand plaisir est d’exercer ses dents, sans être pressée par la faim ; en effet, les souris rongent & gâtent une quantité de grain, au moins le triple de ce qu’elles peuvent consommer. Tous les oiseaux à bec court & pointu en font un grand dégât, & l’on peut même dire que presque toute espèce d’oiseau se nourrit de blé. Les fourmis sont encore des animaux dangereux, à cause de leur nombre & de la mauvaise odeur qu’elles impriment au monceau de froment. Il est facile de se mettre à l’abri des dégâts & des ravages causés par ces animaux ; j’en indiquerai les moyens au Chapitre III, en traitant des Greniers. Il n’en est pas ainsi des insectes qui naissent, vivent dans le grain même, & en dévorent jusqu’au germe ; tels sont les charançons, les fausses teignes, les cadelles, &c.

§. I. Des Charançons.

Cet article a déjà été traité dans le plus grand détail au mot Charançon. Le Lecteur qui aura fait attention à la manière de vivre, au degré de chaleur nécessaire à son accouplement, à sa reproduction & son état de vitalité ou d’engourdissement, jugera sans peine de quelle utilité sont les recettes dont fourmillent tous les papiers publics ; ils donnent comme nouveau ce qui a déjà été dit & redit depuis un siècle, & l’idée des méthodes inutiles se perpétue ainsi que l’erreur. On a eu la complaisance de m’en adresser un grand nombre, toutes, disoit-on, de la plus grande efficacité, & la plupart consistoit dans l’usage des herbes aromatiques ou puantes. Malgré la conviction où j’étois du contraire de ces prétendues propriétés, j’ai suivi plusieurs de ces pratiques, & très-infructueusement. L’yèble, (Voyez ce mot) ou petit sureau semble mettre en fuite le charançon, par exemple, en septembre, en octobre, & même en août, suivant le climat ; mais on n’observe pas que dès que la chaleur de l’atmosphère est en général à dix degrés, le charançon ne pond plus, & se retire. C’est donc l’effet de l’atmosphère, & non de l’odeur puante de la plante. Admettons que cette suite soit causée par l’odeur, que produira-t-elle sur le charançon en état de larve, dans l’intérieur du grain, où il brave & le froid & les odeurs ? que produira-t-elle sur le charançon dans son état parfait, enterré au milieu d’un grand tas de blé ? pourra-t-elle pénétrer jusqu’à cette profondeur ? Si on fait un lit de blé & un lit de branches d’yèble, n’a-t-on pas raison de craindre 1°. que le blé n’en conserve la mauvaise odeur ; 2°. que l’humidité de ses branches ne se communique aux grains, & n’établisse une nouvelle fermentation ? de-là l’échauf-