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ses œufs. Nous eûmes la précaution d’y jeter dix à douze grains de froment avant de couvrir le vase. Ces grains étoient assez beaux, assez sains, pour que le moindre corps étranger y devînt frappant. Quelques jours après, ces grains avoient de petites taches rouges plus ou moins étendues, &, à l’aide du microscope, nous découvrîmes que ces taches étoient des œufs d’une couleur rouge-orangée, d’une forme oblongue, & ayant à peu près la figure d’un gland, & qu’une seule femelle en avoit jeté soixante-dix ou quatre-vingt cinq d’une seule ponte.

Bientôt l’habitude d’observer ces insectes nous dispensa de recourir à la loupe, & dès qu’un œuf étoit éclos, nous découvrions les chenilles lorsqu’elles marchoient sur le papier ou sur les grains, quoiqu’elles eussent à peine un quart de ligne de longueur. Au bout de dix ou de douze jours, en examinant les grains d’orge & de froment qui furent, dans plusieurs expériences, placés au fond des vases, nous aperçûmes que les œufs étoient éclos, & ce qui le dénotoit, étoit la blancheur & la transparence de sa coque.

Quelques particules de matière farineuse qui étoient dans le sillon de certains grains, attirèrent notre attention & nous firent soupçonner que la chenille attaque le grain par le germe & dans le sillon du grain. Notre doute se changea en certitude, lorsque nous eûmes connu la manière dont elle s’y prend avant d’entamer le grain. Elle se glisse dans l’endroit du sillon le plus serré, & s’y tient comme immobile pendant un assez long temps ; elle y file ensuite une toile d’une finesse extrême, dont elle se recouvre dans toute sa longueur, en attachant les fils aux deux côtés du sillon & en les plaçant de manière qu’il ne reste exactement au dessous de la toile formée, que l’espace nécessaire pour contenir le corps de la jeune chenille, & lui laisser la liberté d’agir. Logée une fois sous cette gaze légère, qui ne recouvre guère que la huitième partie du sillon du grain, elle commence à l’entamer sourdement dans l’endroit où sa tête est placée ; elle y fait peu à peu un petit trou rond & capable seulement de donner passage à son corps ; elle y pénètre à mesure qu’elle se nourrit, & parvient enfin à s’y établir, en laissant derrière elle quelques particules de matière farineuse & ses excrémens : ces résidus s’attachent à la toile qui couvre l’insecte, & comme elle est fort transparente, on l’y distingue aisément. Si on dérange cette petite toile, aussitôt la chenille la rétablit en passant plusieurs fils sur le trou qui la recèle.

L’ouverture pratiquée par les chenilles est vers le fond du sillon, & sur un des côtés du grain que le sillon partage, aussi voit-on souvent qu’un seul côté est attaqué, & que l’insecte s’y change quelquefois en chrysalide sans avoir poussé plus loin le dégât. Il arrive souvent aussi que des chenilles plus vigoureuses, & dont les métamorphoses ne sont pas précipitées par les grandes chaleurs, étendent leurs ravages au-delà du petit réduit qui avoit suffi à d’autres, & consomment entièrement le grain. S’il n’a pas suffi à leur nourriture, elles soudent un autre grain avec le premier, & établissent une communication entre deux, afin de trouver une nourri-