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puisque le mois d’octobre est le temps le plus favorable à la transplantation.

V. Des racines relativement à la teinture. M. d’Ambournai est, je crois, le premier qui ait essayé de teindre avec des racines fraîches, telles qu’on les sort de terre & simplement lavées, afin de les rendre nettes & exemptes de toute impureté. Le succès le plus complet a commencé ses tentatives, & les mêmes expériences, que j’ai vu répéter à Lyon, ne laissent plus aucun doute à ce sujet. Voici ses expériences, leur résultat & leur produit ; c’est M. d’Ambournai qui parle :

« Comme il convient de faire servir même les inconvéniens à l’instruction, l’impossibilité de faire sécher sans feu les racines que j’avois arrachées au mois d’octobre dernier, m’a engagé à les employer fraîches. Je les ai donc bien lavées ; mais comme j’avois éprouvé, ainsi que le dit M. Duhamel, que cette racine perd sept huitièmes de son poids lorsqu’on la fait assez sécher pour pouvoir être réduite en poudre, j’ai estimé devoir doser conformément. Enfin, dans un bain qui auroit exigé une livre de garance moulue, j’ai mis huit livres de racines fraîches, pilées dans un mortier, & j’ai teint à l’ordinaire ; j’ai trouvé qu’après l’opération, le bain étoit encore très-chargé & le coton tellement pénétré de teinture, qu’il m’a fallu lui faire essuyer deux débouillis pour le dégrader jusqu’à la couleur d’usage. J’ai continué à mettre la dose à six & quatre livres, & ce n’a été que cette dernière proportion qui m’a donné une couleur pareille à celle qu’on obtient d’une livre de garance en poudre. On peut donc épargner moitié de la racine en l’employant verte ; mais quoique ce soit beaucoup, ce n’est pas la seule économie. »

« 1°. On est dispensé d’établir des étuves & hangars pour faire sécher lorsque le temps est variable. 2°. On est à l’abri des inconvéniens d’une dessiccation trop précipitée ou trop ralentie, qui entraîne également la détérioration de la qualité. 3°. On évite le déchet du robage & du travelage dans lequel toutes les racines de la grosseur d’un fer de lacet tombent en billon. 4°. On épargne en frais du moulin le déchet & la fraude qui peut en résulter, & l’incommodité d’attendre qu’il soit libre. 5°. Enfin, on n’est point exposé à ce que la racine moulue parvienne à s’éventer ou à fermenter, ce qui arrive toujours lorsque l’on diffère à l’employer. »

« Tous ces avantages réunis peuvent s’évaluer à une économie de cinq huitièmes dans la quantité. Le cultivateur qui sauroit teindre en profiteroit dès l’instant qu’il auroit des racines assez grosses pour être arrachées. Les teinturiers, par état, seront peu à peu forcés, par la démonstration, d’en profiter aussi lorsque cette culture aura pris faveur en France ; ce sera même un moyen de l’y accréditer, parce que, vu qu’après dix-huit mois de semis ou de plantation, il n’y a point de temps à choisir pour la maturité, le laboureur qui apportera une somme de racines fraîches au marché, sera sûr de les vendre en cet état, sans être asservi à des soins qui, petits en eux-mêmes, l’effrayent par leur nouveauté. Le teinturier pourra acheter journellement à proportion de l’emploi qu’il sera à portée d’en faire, ou