Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mars & avril ; mais il ne germera pas pendant la chaleur dévorante & la sécheresse des mois de juillet & d’août des pays méridionaux. La belle expérience de M. Duhamel, rapportée au mot Amandier, Tom. I. page 458, prouve, d’une manière victorieuse, que la germination & la végétation tiennent spécialement au degré de la chaleur ambiante. Ce degré est à peu près le même en octobre & en mars ; (toujours les circonstances égales) il n’est donc pas étonnant que les grains de froment (voyez ce mot) & ceux de la gaude germent à deux époques. À cette assertion on peut encore en ajouter une autre ; c’est que toutes les plantes susceptibles d’une double époque de germination, ne craignent pas les effets de la rigoureuse saison d’hiver ; autrement la nature auroit manqué son but.

D’après ces principes est établie l’époque des semailles de la gaude. Dès que le froid ne fait pas périr cette plante pendant l’hiver, il vaut beaucoup mieux la semer avant qu’après ; semée à l’une ou l’autre époque, la récolte se fera à peu près dans le même temps, à une ou deux semaines après, sur-tout dans les pays chauds ; & par conséquent il est impossible que la plante semée en mars ait autant de corps, de consistance, de force, de hauteur, que celle qui aura été semée en automne. Il est aisé de se convaincre de cette vérité par le simple coup d’œil.

Des auteurs ont conseillé de semer la gaude aussitôt qu’on aura labouré les champs, après la récolte des blés, & de la semer mêlée avec le sarrasin, (voyez ce mot) ou blé noir. Cette opération peut être utile dans nos provinces du nord, dans celles de l’intérieur du royaume qui sont tempérées, mais elle ne sauroit avoir lieu dans nos provinces méridionales proprement dites, à moins que la localité de certains cantons ne les rapproche de la constitution de celles dont on vient de parler. Toutes espèces de semailles, en général, dans les mois de juin, de juillet & d’août, sont interdites dans ces dernières, à cause de la sécheresse & de la chaleur ; & si on y semoit la gaude en juin ou en juillet, aussitôt après la coupe des blés, la graine, ou ne germerait pas jusqu’en octobre, ou bien, s’il survenoit de la pluie tout aussitôt après, on courroit les risques de voir la graine germer, pousser, fleurir & mûrir avant les gelées. On doit juger, par cette végétation forcée, combien la plante seroit maigre, rachitique, & de si peu de valeur, qu’elle ne paieroit pas les frais de culture & de récolte. Il est donc très-important de suivre les loix de la nature de chaque climat, & de ne jamais généraliser les pratiques d’agriculture. L’auteur se trompe & trompe les autres.

D’autres conseillent encore de profiter des champs semés de haricots, &c. & de saisir, pour y semer la gaude, l’époque où ces plantes sont en fleur, parce qu’alors on leur donne un petit binage, & ce labour sert à recouvrir la graine. Lorsqu’on arrache les haricots de terre, la plante se trouve toute venue. Cette opération & la précédente sont très bonnes ; mais elles dépendent de la qualité du sol & du climat ; objets qu’on ne doit jamais perdre de vue. L’époque des semailles des blés, dans les provinces du midi,