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terre peu humide, & de rang en rang on peuple la serre. Il vaut beaucoup mieux les mettre dans des vases, parce qu’ils seront tous prêts pour le printemps suivant, & il est plus facile de les manier pendant l’hiver, de délivrer les rameaux des feuilles pourries, &c. La serre exige d’être bien éclairée & très-sèche. Les girofliers craignent très-peu la sécheresse dans cette saison ; ils ont beau avoir les feuilles flétries & pendantes, un peu d’eau les ranime au besoin, & dans cet état la gelée n’a presqu’aucune prise sur eux. Cependant, si le froid devient trop rigoureux, si l’on craint que la serre ne soit pas assez chaude, on fera très-bien de les porter dans des caves, où l’humidité de l’atmosphère qui y règne, suffira à leur entretien. Dès que le grand froid sera passé, on ouvrira les portes & les soupiraux de la cave, afin de les accoutumer peu à peu à l’air extérieur ; on reportera ensuite dans la serre, & insensiblement, dans la saison, on les fera passer à l’air libre. Si on les expose tout à coup au grand soleil, & à un soleil chaud, il est fort à craindre qu’ils ne périssent. On fera donc très-prudemment de choisir un jour couvert, ou de placer les vases sous des hangars à l’air libre. Enfin, quelques jours après, on les exposera au soleil, & on les arrosera s’ils en ont besoin. Ces ménagemens deviennent nécessaires, sur-tout lorsque le sommet des rameaux a blanchi par un séjour trop long dans l’obscurité, & ils demandent à n’être frappés du soleil que lorsqu’ils ont repris leur couleur verte.

IV. De la multiplication par bouture. Dès qu’on a obtenu par le semis un giroflier vivace à belle fleur double, d’une seule couleur ou panachée, &c. & qu’on désire en perpétuer & multiplier l’espèce, il faut de toute nécessité recourir à la bouture. On choisit à cet effet un petit rameau de l’année de la longueur de quelques pouces, qu’on dépouille de ses feuilles à un pouce près du sommet. À l’insertion de la feuille au rameau, on apperçoit une petite éminence, une espèce de console, de bourrelet ; c’est de ces points que s’élanceront les nouvelles racines. La circonstance exige que la terre du vase, de la caisse destinée à recevoir les boutures, soit douce, meuble & bien substantielle.

Il y a plusieurs manières de planter les boutures ; la première & la moins avantageuse consiste à enfoncer tout simplement dans la terre la partie du jeune rameau dépouillé de ses feuilles ; la seconde de recourber de cette manière la partie qui doit être enterrée, & l’enterrer dans cette position sans le casser ; la troisième diffère de la seconde en ce point seulement, c’est qu’avant de couder le rameau, on le tord un peu, on le coude ensuite, & on l’enterre sans qu’il se détorde. La torsion & le coude facilitent la sortie des racines. J’en ai eu plus d’une fois la preuve comparative sur les girofliers & les myrtes, &c.

Aussitôt que la caisse ou le vase est rempli de boutures, on arrose amplement afin que la terre se colle contre les sujets, & s’y unisse de toute part. Aussitôt après on les transporte dans un lieu où le soleil ne donne point, mais exposé au