Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si le pied de l’arbre à greffer en fente n’a pas trois à quatre pouces de circonférence, il est à craindre qu’avant la troisième ou quatrième année, il ne se trouve plus de proportions entre les greffes & le pied ; dès-lors les bourrelets excéderont de beaucoup sa superficie, & on aura un arbre défectueux quant à la vue, mais encore de peu de durée. Si on greffe un vieux pied, quoique du diamètre requis, ou un arbre languissant, les bourrelets dépasseront de même la coupé de l’arbre. La raison en est simple : ces pieds ont leur bois parfait déjà tout formé ; la conversion de leur aubier, (voy. ce mot) est déjà fort avancée en bois parfait, leur écorce est coriace, & peu susceptible d’extension. Les greffes, au contraire, sont prises sur des pousses de l’année précédente ; elles n’ont presque point de bois parfait, ou plutôt tout est encore aubier, & leur écorce est tendre & susceptible de la plus grande extension. Il résulte de cette disproportion entre le pied & la greffe, que celle-ci se nourrit & s’étend en circonférence & longueur, tandis que l’accroissement du diamètre de celui-là ne peut pas suivre la même progression, parce que les sucs nourriciers qu’il s’approprie, ne peuvent distendre son bois dans la même proportion que le bois des greffes. Ou ne greffez pas, ou choisissez les sujets : s’ils sont trop foibles, & s’ils ne peuvent porter qu’une greffe, il est rare de la voir couvrir la partie coupée de l’arbre, sans que la moitié ou les trois quarts du tronc mis a nu, ne soient desséchés ou morts : il vaut mieux attendre, & placer deux greffes sur un diamètre convenable.

Lorsque le diamètre des troncs ou des branches est trop considérable, la greffe en fente ou en poupée ne suffiroit pas. La partie du milieu seroit pourrie avant que le bourrelet qui se forme au bas des greffes fût en état de recouvrir la plaie. Insensiblement il la recouvrira, mais il ne sera plus temps ; le chancre, la pourriture établie, gagneront de proche en proche, & corroderont tout l’intérieur du tronc. Afin d’éviter ces suites dangereuses, on a recours à la greffe en couronne, qui vaut infiniment mieux que la greffe en fente & en croix, opération qui nécessite deux séparations transversales de toutes les parties du bois & de l’écorce jusqu’à une certaine profondeur. Évitons de charger de plaies les arbres, sur-tout lorsqu’elles sont inutiles : je préfère par cette raison la greffe entre le bois & l’écorce. Ces deux greffes exigent que l’arbre soit bien en sève.

La greffe en sifflet ou flûte, exige le même mouvement dans la levé. Elle convient particulièrement au châtaignier & au maronnier, quoique l’expérience ait démontré que la greffe en écusson réussit fort-bien ; mais la greffe en flûte sur cet arbre est devenue générale dans tout le royaume.

La greffe en écusson est la plus expéditive & la plus sûre ; il est rare qu’elle manque pour les fruits à noyaux. Si celle à œil dormant ne réussit pas, ce que l’on connoît en douze à vingt jours, on la répète tant que la sève est en mouvement, & le sujet en souffre très-peu.

Les avantages de la greffe en écusson & à la pousse sont, 1°. d’avoir beaucoup de temps devant soi,