Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/384

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dans les vergers & dans les jardins, ne laissent aucun doute sur ce sujet, & pour s’en convaincre il suffit de les comparer les uns aux autres. Cette différence dans la hauteur mérite d’être prise en considération, puisqu’un arbre droit, sain & élevé de tronc, pousse naturellement plus de branches (toutes circonstances égales), & acquiert un plus grand diamètre : ainsi, dans des pays peu boisés, de tels troncs offrent des ressources précieuses pour faire les douves des vaisseaux vinaires, des planches, des chevrons, & même quelquefois d’assez bonnes pièces de charpente. Quand même ces avantages ne seroient pas aussi réels que je les présente, n’est-il pas bien agréable de voir un verger, une avenue, dont le tronc des arbres soit élevé, plutôt que ces troncs ravalés, souvent tortus, & un amas de branches sous lesquelles on peut à peine se promener ? On doit encore considérer que plus l’arbre est élevé, & moins son ombre nuit aux productions du sol.

Il est plus avantageux, à tous égards, de planter de beaux sauvageons, de tiges élevées & proportionnées en hauteur & grosseur, & de greffer leur sommet, ou en même temps qu’on les plante, ou dans les années suivantes, lorsqu’ils auront jeté quelques branches dont on choisira les meilleures pour greffer, & dont on abattra les autres. Si on se propose de les greffer à la pousse, on les ravalera à la fin de l’automne, c’est-à-dire, aussitôt après la chute des feuilles, à trois ou quatre travers de doigt de l’endroit où la greffe sera placée lors de la première sève, afin que cette première sève ne s’épuise pas à nourrir un rameau qu’il faudra retrancher, & elle refluera mieux préparée sur la partie de la branche qui sera conservée. Cette méthode est très-employée par les paysans de nos provinces du midi, principalement pour les abricotiers, les cerisiers & les pruniers. Elle est indispensable pour le châtaignier, & très-avantageuse pour le noyer. Pourquoi cet usage est-il si peu connu dans les provinces du nord ? on diroit qu’il est presqu’entièrement resserré dans la vallée de Montmorency, & qu’il est, pour ainsi dire, inconnu dans le reste des environs de Paris.

Le propriétaire qui se propose de planter des avenues, de border des champs, de peupler un verger de beaux & bons arbres fruitiers, n’a pas de parti à choisir plus sur, plus immanquable que celui-ci.

Il est encore constant que lorsqu’un arbre se met à fruit de bonne heure, ou qu’il donne beaucoup de fruits, il pousse peu en branches, & gagne peu pour la grosseur ; la greffe dans les pépinières, contribue singulièrement à le mettre à fruit, & on jouit beaucoup plutôt des espaliers de nos jardins ; mais si l’on plante un tel arbre dans une avenue, dans un verger, où le sol diffère beaucoup de celui des jardins, il est clair que les arbres, pour ainsi dire abandonnés aux seuls soins de la nature, donneront promptement du fruit, & ne formeront jamais de beaux arbres. Si, au contraire, dans ces cas, on plante de beaux sauvageons, bien enracinés, leur végétation, qui sera seulement suspendue pour un temps, & non manifestement dérangée, leur laissera la liberté de se charger de beaux bois