Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/521

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ques matelas, draps & couvertures que le seigneur, ou le curé, ou les notables prêteront aux nécessiteux, & qui par conséquent appartiendront à la communauté ; un pot au feu proportionné au nombre des malades ; du pain ; une petite collection de remèdes pharmaceutiques & de plantes médicinales, voilà tout le détail de la régie qui doit en faire les fonds. Le seigneur donnera l’exemple. Le curé, à proportion de ses moyens, fournira des secours ; il exhortera tout habitant aisé, & pour peu qu’il soit aiguillonné, ou par un motif de religion ou d’amour-propre, il s’empressera de concourir à la bonne œuvre générale. Il faut un homme de l’art pour l’administration des remèdes. Stipendiez-le suivant le travail, s’il n’est pas assez généreux ou assez aisé pour sacrifier son honoraire aux pauvres ; mais dans tous les cas on doit stipendier une sage femme instruite, & domiciliée dans la paroisse. Tous les six mois, ou à la fin de chaque année, on rendra compte, dans une assemblée de charité, de la recette & de la dépense, en faisant connoître de ce qu’on a reçu de chaque particulier. Je sais que l’Évangile dit que la main gauche ne doit pas savoir ce que donne la main droite ; voilà la perfection ; mais comme les hommes ne sont pas parfaits, il importe peu au malheureux qu’un tel ait donné par vanité, ou tel autre par motif de religion, pourvu qu’il soit secouru. Qu’il est consolant, qu’il est beau le rôle du seigneur, du curé, du notable ! Avec un peu d’enthousiasme, de force d’ame & de sagacité, on fait des hommes tout ce que l’on veut.

Ce que je dis des hôpitaux destinés aux malades, s’applique également aux bureaux de charité consacrés au soulagement des pauvres. Celui de ville de Castres fournit un exemple frappant de ce que j’avance. Avec de modiques secours, ce bureau est parvenu au point de faire disparoître l’affligeante mendicité. Les idées que je présente sont de simples apperçus auxquels il est facile de donner la plus grande & la plus utile étendue ; mais ce seroit s’écarter du but de cet Ouvrage.

Cependant je ne puis m’empêcher de jeter encore un coup-d’œil sur les hôpitaux des grandes villes, & démontrer, par une expérience en grand & de 25 années, combien les enfans-trouvés & les orphelins qu’on y entasse, peuvent être utiles à l’agriculture. Nous manquons de bras, c’est un point de fait reconnu & démontré jusqu’à l’évidence. Les multiplier, soulager les hôpitaux, assurer une santé vigoureuse aux enfans-trouvés ou orphelins dont ils sont chargés, c’est dans une seule opération réunir les plus grands points d’utilité. En effet, que l’on considère la figure pâle & blême des enfans qu’une pieuse charité rassemble en masse dans un même lieu ? que l’on considère les ravages causés par le scorbut, les humeurs scrophuleuses, la gale, &c. ? & l’on se convaincra aisément, sans avoir recours à l’expérience, que des individus dont l’enfance a été si malheureuse, ne seront jamais des hommes robustes lorsqu’ils parviendront à la virilité. Admettons que leur santé n’ait point été altérée ; mais à quoi les emploiera-t-on ? On les mettra en apprentissage, on leur donnera un métier ; enfin, ils seront artisans,