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Lorsque le temps est fixé pour moudre l’olive & son noyau, & réduire le tout en pâte, on débarrasse le moulin, & la pâte est jetée dans les piles. Si l’année est bonne, & si les olives sont bien conditionnées, on voit paroître sur leur surface une huile proprement dite vierge, trop épaisse & en trop petite quantité pour la séparer. De cette pâte on remplit les cabas, on les presse, &c. l’huile vierge coule sur le pressoir, & du pressoir dans une des deux tonnes, aux trois quarts remplie d’eau. Lorsque la pressée est finie, on donne peu de temps pour laisser écouler le suintement des cabas ; ce ne seroit pas le compte de l’ouvrier qui travaille à la tâche ; les hommes qui tournoient la barre du pressoir, desserrent, montent sur le pressoir, ouvrent les cabas aplatis, appuient le côté étroit sur le cabas de dessous, dégrumèlent la pâte, & placent à fur & mesure en pile les cabas sur le bord du pressoir, Du côté de la chaudière. L’ouvrier chargé du soin de la chaudière & du feu, vulgairement appelé le diable, met une mesure d’eau bouillante dans chaque cabas ; on remonte les cabas, & on presse comme la première fois. Cette opération est nommée échauder.

Un peu avant que l’eau chaude mêlée avec l’huile commence à couler des cabas, le premier ouvrier bouche les ouvertures du pressoir qui communiquent aux tonnes ; alors, avec une patelle, ou espèce de cuiller de cuivre très-plate, il lève l’huile qui surnage l’eau des tonnes. Elle est censée être entièrement venue à la surface pendant le repos.

Lorsque le dessus du pressoir est couvert d’eau huileuse sortie des cabas, le maître ouvrier enlève un des bouchons, & le tout tombe dans une des deux tonnes ; on procède à un second échaudage comme le premier, & la levée de l’huile est la même à la troisième & à la seconde fois, comme à la première. Après qu’on est censé avoir levé toute l’huile des tonnes, le maître ouvrier les débouche, & toute l’eau s’écoule dans l’enfer.

L’enfer est une vaste cîterne voûtée qui tient exactement l’eau, & dans laquelle on descend par un escalier fermé par une porte dont le propriétaire du moulin a seul la clef. Elle est percée d’un trou dans son milieu, fermé par un bouchon que l’on retire lorsqu’elle est trop pleine d’eau, & pour la faire couler à un demi-pied où à un pied près au-dessus du bouchon.

Comme l’eau de l’enfer y reste stationnaire pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures, suivant la grandeur de la citerne, le mucilage très-abondant a le temps de se précipiter au fond, & l’huile qu’elle contenoit, spécifiquement plus légère que l’eau, s’élève à sa surface, & forme, par son agrégation, une nappe d’huile. J’ai vu des enfers où la conduite des eaux des tonnes se prolongeoit presque vers la base de la citerne. Par ce moyen, la couche d’huile supérieure n’étoit pas agitée & divisée par la chute de l’eau ; mais au contraire, le mucilage précipité au fond, l’étoit beaucoup, & la rapidité avec laquelle cette eau l’agitoit & le divisoit, le forçoit à lâcher la plus grande partie de l’huile qu’il pouvoit