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soit artificielle, agit sur les huiles, elle tend à faire évaporer les parties les plus subtiles, & sans contredit, c’est l’air qu’elles contiennent qui subit insensiblement le premier dégagement, mais lentement quand l’huile n’est exposée qu’à la chaleur de l’atmosphère, & très-promptement quand elle bout ; on voit alors ces huiles s’élever en écume, & elles sont même si expansibles, que simplement chauffées dans l’esprit de vin, elles le surnagent ; ce qui n’arrive pas avec les huiles cuites.

On voit par ces observations, combien il est essentiel de tenir les huiles dans de bonnes caves, & non pas, suivant la coutume générale, dans des celliers, afin de prévenir, autant qu’il est en son pouvoir, le développement, soit de l’air libre, soit de l’air principe ; car, quand il manque à ces huiles tous les autres mixtes, comme l’huile éthérée, le mucilage, les principes même de ces mixtes, qui sont eux-mêmes des corps composés, souffrent des désunions selon le rapport de la perte du principe qui est enlevé. Le mucilage se précipite, & l’huile éthérée, devenue libre & isolée, se manifeste par ses qualités dans le reste de l’huile qui n’a pas encore subi d’altération. Elle est alors plus aisément évaporée que lorsqu’elle composoit l’huile grasse.

Cela sert encore à expliquer pourquoi les huiles, qui se coagulent par le froid, rancissent difficilement dans cet état. La liquidité & la chaleur sont les premières conditions requises pour le développement de l’air. L’huile grasse cuite n’a pas un goût si désagréable que l’huile proprement appelée rance, & devenue telle par vétusté, parce que l’ébullition enlève avec l’air l’huile éthérée & devenue plus légère, & le mucilage précipité se combine dans les fritures. L’huile restante, au moyen de la coction, acquiert plus de consistance, & le goût des fritures est moins âcre. Observation essentielle qui trouvera par la suite son application particulière.

Il s’élève dans les premières ébullitions de l’huile, une vapeur si âcre, si subtile, si pénétrante, qu’il est aisé de juger que l’air seul peut donner cette activité à l’huile éthérée qui s’évapore avec lui.

Les substances que j’ai jusqu’à présent appelées mucilage, & dont j’ai dit que la précipitation rendoit libre une partie du principe huileux éthéré, & rance l’huile grasse, & dans laquelle il est mêlé, est le corps muqueux, doux ou sucré des végétaux, qui se trouve abondamment dans les fruits & dans les graines. C’est le seul mucilage qui soit élaboré par la nature, pour pouvoir former, lorsqu’il fermente, le spiritueux qui caractérise les vins. Les preuves de cette assertion sont détaillées au mot Fermentation. Les corps mucilagineux non sucrés ne produisent point de vin.

Le mucilage sucré est le seul capable de s’unir aux huiles, & d’unir aussi l’huile à l’eau. Plus le mucilage est précipité, plus l’huile grasse est rance, & plus elle approche de la nature de l’huile éthérée ; en cet état les huiles naturelles déposent leur résine. Les noyaux de l’olive & les graines en contiennent plus que la chair de l’olive ; & cette résine existoit dans le végétal avant l’extraction