Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/627

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J’avoue n’avoir jamais fait d’hydromel, mais s’il est permis de juger par analogie, cette manipulation me paroît défectueuse. En effet, nous voyons que, dans les années très-sèches, & de grande maturité des raisins muscats, le moût qu’ils rendent par l’expression, est si doux, si sucré, si rapproché, que la fermentation a beaucoup de peine pour s’y établir ; cependant ce moût, malgré sa ténacité, ne sauroit supporter un œuf, d’où je conclus que l’hydromel ne doit pas être aussi rapproché qu’on le suppose ; mais je conviens en même temps que si le miel est trop délayé dans l’eau, la fermentation passera promptement à l’acéteuse. Il doit donc y avoir un milieu entre le trop de fluidité & le trop de viscosité de la liqueur. Les Romains, au rapport de Palladius, manipuloient différemment ; voici comme l’Auteur s’explique : « On prendra, au commencement des jours caniculaires, de l’eau de fontaine ; le lendemain on mettra dans trois parties de cette eau une partie de miel non écumé ; & après avoir partagé ce mélange avec soin dans des vales bien nets, on le fera agiter continuellement pendant cinq heures par des enfans impubères qui remueront les vases à cet effet ; après quoi on le laissera exposé à l’air pendant 40 jours, & pendant 40 nuits ».

Peu importe que les enfans soient impubères ou non ; mais il n’en est pas ainsi de l’agitation qu’ils impriment à la masse, au moyen de laquelle chaque partie mielleuse est vraiment mêlée & dissoute par l’eau. Après le repos, les impuretés doivent monter à la surface, & être expulsées hors du vaisseau lors de la fermentation. Je crois ce procédé supérieur au premier, sur-tout si l’on opère dans les provinces du midi ; & sur-tout pendant les grandes chaleurs de l’été. Reprenons la description de l’hydromel à la manière des modernes.

Lorsque l’eeuf frais ne submerge point, & seulement lorsque la moitié de son épaisseur est enfoncée dans le fluide, on passe la liqueur à travers un tamis, & on l’entonne tout de suite dans un baril que l’on remplit. On le place ensuite dans un lieu où la chaleur est le plus également répandue qu’il est possible depuis 17 à 18 degrés du thermomètre de Réaumur, en observant que le trou du bondon soit légèrement couvert & non bouché. Les phénomènes de la fermentation paroîtront dans cette liqueur, & subsisteront pendant deux à trois mois, suivant la chaleur ; après quoi ils diminueront d’eux-mêmes. Il faut observer pendant cette fermentation, de remplir de temps en temps le tonneau avec une semblable liqueur dont on aura, pour cela, conservé une partie à part, afin de remplacer les immondices que la fermentation fait sortir en forme d’écume.

Lorsque les phénomènes de la fermentation cessent, & que la liqueur est devenue bien vineuse, alors on transporte le tonneau à la cave, & on le bondonne exactement ; un an après on met l’hydromel en bouteilles.

Je préférerois d’attendre au moins deux ans. Il n’en doit pas être de l’hydromel comme du vin ordinaire, dont la fermentation insensible est moins active lorsqu’elle s’opère fur de petites masses. L’hydromel au contraire doit éprouver une fermen-