Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/659

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mais comme la peau a la propriété singulière de s’étendre, de s’alonger &de croître, elle seule recouvre la plaie, & dans l’endroit où s’exécutent les points de réunion, la cicatrice paroît, & atteste qu’elle seule s’est reproduite.

Il en est ainsi dans les arbres. Faites un trou quelconque avec une tarière dans un pommier, par exemple, ou dans tel autre arbre ; la tarière détruira une partie de l’écorce, ensuite de l’aubier, ensuite du vrai bois ; à la fin de la première ou seconde année, l’orifice sera bouché par l’écorce, & quelquefois par elle, toute la cavité ; mais jamais l’aubier, ni le bois parfait ne se rempliront. Quelle analogie entre l’homme & le végétal ! On a cependant quelques exemples, rares à la vérité, que des parties d’os enlevés, ou par des couronnes de trépan, ou à la suite de fractures, se sont régénérés, & l’on peut comparer les os au vrai bois de l’arbre ; mais des exceptions ne détruisent pas l’analogie générale, qui démontre l’inutilité des onguens & autres drogues appelés incarnatifs, régénératifs, &c.


INCENDIE, grand embrasement. Les incendies peuvent avoir lieu de trois manières ; savoir, par malice, par négligence, ou par force majeure.

L’action qui résulte de l’incendie de la première espèce, se poursuit criminellement par la voie extraordinaire ; & non-seulement, dans ce cas-là, les incendiaires sont tenus des pertes qu’ils occasionnent, tant dans les lieux où ils ont mis le feu, que dans les maisons voisines qui ont souffert de l’incendie ; mais, d’après les loix, il sont en outre punis de mort.

Avant qu’on arrêtât en France les mendians vagabonds, ils étoient la terreur des campagnes. Si on ne leur donnoit pas ce qu’ils demandoient, ils menaçoient de brûler, & l’on a vu l’exécution suivre les menaces… Dans plusieurs de nos provinces les enfans sont conducteurs de troupeaux ; ils se rassemblent auprès d’une haie, d’une forêt, allument de petits feux qu’ils n’étouffent pas en se séparant ; un coup de vent survient, fait voler des étincelles, le feu gagne de proche en proche, & l’incendie se manifeste quand il n’est plus temps de le réparer.

Lorsque le feu gagne une forêt, & que l’on voit clairement que les secours seront insuffisans pour l’éteindre, le plus court & le plus sage parti est de circonscrire l’incendie, d’abattre, à une certaine distance du lieu incendié, tous les arbres, d’en retirer les troncs & les branches, de les porter à l’écart ; enfin, d’ouvrir un large fossé de séparation, dont la terre sera jetée du côté non incendié. Alors cette terre recouvrira les petites branches, les feuilles, & les mettra à l’abri des étincelles & des approches du feu. Dans ces circonstances l’on craint trop de perdre, & par une parcimonie mal entendue, on fait le retranchement presque toujours trop près du lieu incendié. Il est des cas où il faut se décider tout à coup à faire un sacrifice. Pendant que l’on travaille, le feu gagne & il est souvent au-delà du fossé qu’il est à peine bien commencé. Le premier point est d’abattre les arbres