Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/753

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n’avoit pas perdu deux onces du sien. Cette plante avoit donc puisé sa subsistance ou de l’eau dont elle avoit été arrosée, ou de l’air ou de l’humus qui s’étoit formé pendant ces cinq années, & enfin, de tous les trois ensemble. On verra bientôt pourquoi on rapporte ici cette expérience.

Si le sol est bon & riche, nous lui demandons, dans l’année que vous le laissez en jachère, une récolte ou de chanvre ou de lin, de choux colza, de caméline, de navette, de pavot à huile, de gaude, de chardons à bonnetiers, &c. ; s’il est médiocre, une récolte de pois ou de fèves, ou de lentilles, de haricots, de navets, de carottes, de courges, de melons, d’oignons, &c. ; s’il est mauvais, nous le semons avec des lupins, des navets, ou avec une herbe quelconque, que l’on détruit au moment de sa pleine fleur. Toutes ces plantes & une infinité d’autres, qu’il est inutile de citer, sont aux champs, ce que la branche de saule étoit pour le vase de Boyle ; c’est-à-dire, que si on les y enfouit en tout ou en partie, elles rendent à la terre beaucoup plus qu’elles n’en ont reçu. Il faut nier le résultat de l’expérience de Boyle, si on se refuse à admettre cette conséquence ; mais comme l’expérience est facile à répéter, celui qui en doutera, doit au moins suspendre son jugement jusqu’à ce qu’il ait constaté le fait. En voici une plus simple ; suspendez un oignon de scille ou de squille à un plancher, pesez-le exactement, pesez-le de nouveau lorsqu’il aura poussé sa longue tige, enfin, quand il sera en fleur, & vous vous convaincrez de l’augmentation de son poids. Comme il n’est pas toujours possible de se procurer l’oignon dont il s’agit, on peut le suppléer par l’oignon des jardins. L’expérience, il est vrai, sera moins tranchante, mais elle le sera encore assez pour convaincre les plus incrédules.

Il est donc bien démontré que les plantes rendent à la terre plus qu’elles ne reçoivent, & il est encore également démontré que plus un champ est couvert d’herbes, plus est considérable le nombre d’insectes que chaque plante nourrit ; les prés en fournissent la preuve. Il est également démontré qu’un champ alternativement cultivé en grains & en prairies, est plus productif, toutes circonstances égales, que celui uniquement destiné aux grains, parce que la faulx a beau couper l’herbe très-près de terre, il en reste toujours qui se fane & pourrit ; des feuilles attaquées par les insectes pourrissent ; l’hiver, la gelée surviennent, une multitude de feuilles & d’herbes annuelles pourrissent ; enfin une prairie, par ses débris & par la dépouille des insectes fournit perpétuellement à la terre les matériaux de l’humus ou terre végétale. Cela est si vrai, que la première couche de terre au dessous de l’herbe est devenue noire, tandis que partout ailleurs, lorsqu’une plante effrite la terre, elle en détruit le glutens le liant, & cette terre prend une couleur plus blanche qu’elle ne l’avoit auparavant. Il ne faut que des yeux pour juger de ces faits. La conséquence à tirer, est que par les jachères, on détruit toutes les herbes, & par conséquent le principe le plus multiplié des matériaux de la sève.

On objectera que le chanvre &