Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/782

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sous la forme de petits boutons dans les portions qui les recouvrent, comparées à celles des interstices de ces bulbes. On donne communément à cet état de la peau le nom de chair de poule ; la peau devient ensuite sèche & roide, parce que ses pores étant resserrés, ne permettent point à la matière de la transpiration insensible de se répandre dans sa substance pour l’humecter, l’assouplir, & que les vaisseaux cutanés, ne recevant presque point de fluide, elle perd la flexibilité qui en dépend. Si le froid augmente, & que l’on continue à être exposé à sa rigueur, les ongles deviennent de couleur livide, noirâtre, à cause de l’embarras dans le cours du sang des vaisseaux qu’ils recouvrent ; c’est par cette même raison que les lèvres, & différentes parties déliées de la peau, paroissent violettes, attendu que les vaisseaux sanguins y sont plus nombreux & plus superficiels. Tout le reste des tégumens est extrêmement pâle, parce que le resserrement des vaisseaux cutanés empêche le sang d’y parvenir. Le sentiment & le mouvement s’engourdissent insensiblement dans le visage, dans les pieds & dans les mains ; parce que la constriction des solides, pénétrant jusqu’aux nerfs & aux muscles, gêne le cours des esprits animaux, & empêche le jeu des fibres charnues. Les mouvemens musculaires, qui servent à la respiration, se font difficilement par la même cause ; ce qui contribue à l’oppression que donne le froid.

Le premier engourdissement général extérieur passe insensiblement de proche en proche à l’intérieur. Le resserrement de tous les vaisseaux commence à avoir lieu, & forme un obstacle au cours des humeurs ; les humeurs elles-mêmes, en se coagulant, deviennent plus épaisses, & par conséquent moins propres à la circulation. La circulation interrompue, la dissolution s’établit bientôt au sein de la torpeur, & avec elle, la mort, sous l’apparence d’un doux sommeil, vient terminer une vie, que le malheureux qui la perd voit s’évanouir presque sans douleur. En effet, on a toujours remarqué que ceux qui périssoient par le froid, éprouvoient une espèce de sommeil & de léthargie, dans lesquels ils mouroient.

La nature a fourni à tous les animaux un pouvoir puissant, qui les met en état de résister jusqu’à un certain point aux atteintes du froid ; c’est la force avec laquelle ils peuvent produire différens degrés de chaleur, qui passant de l’intérieur à l’extérieur, du centre à la circonférence, rétablit pendant quelque temps l’équilibre que le froid tend à détruire. Mais d’après tout ce que nous avons dit, on sent facilement que cette force a des bornes, qu’elle s’épuise nécessairement, & par l’acte même qui la met en jeu. Comme les animaux, sans soustraire l’homme de cette classe, jouissent de ce pouvoir, à différens degrés, il n’est pas étonnant que tous résistent au froid, plus ou moins. Les animaux, dont la chaleur surpasse à peine la température de l’atmosphère, comme les serpens, les grenouilles, ne peuvent supporter de grands froids ; leur chaleur naturelle & renaissante est bientôt éteinte ; au lieu que ceux dont le degré de chaleur est très-considérable, sont en état de lutter