Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/33

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dre, je lui conseillerois de semer sur place le pepin, le noyau &c ; de cultiver leur produit avec les mêmes soins que les semis des pépinières ; enfin de greffer lorsque les troncs auroient acquis la grosseur convenable & déterminée pour recevoir la greffe, (Voyez ce mot). La beauté & la durée de tels arbres bien conduits, feroient époques dans le canton, sur-tout si on n’avoir pas eu la manie de les semer trop près les uns des autres. On auroit alors l’arbre naturel, & l’arbre dans toute sa force. Que l’on considère dans une forêt l’arbre venu de brin ou celui venu sur souche, & on décidera auquel des deux on doit donner la préférence ! Il en est ainsi de l’arbre fruitier. Je sais que la greffe s’oppose à la grande & naturelle extension de l’arbre, mais par exemple les abricotiers à noyaux doux n’ont pas besoin d’être greffés pour produire leurs espèces, ainsi que plusieurs autres fruits à noyaux. Je demande si on pourra comparer avec eux, pour la force, pour la vigueur, un abricotier, un pêcher greffé sur un prunier ou sur amandier, &c. &c., si le pommier ou le poirier sont aussi vigoureux greffés sur cognassier que sur franc ? enfin, si un arbre quelconque, dont on a supprimé le pivot, végéte aussi rapidement & dure autant que celui dont on a ménagé le pivot, & sur-tout que celui qui a été semé à demeure ? Nier ces faits, c’est vouloir se refuser à l’évidence ; il y a très-peu d’exceptions à cette loi. L’on veut jouir, & jouir promptement, dès-lors il faut contrarier la nature, & l’arbre, par une caducité précoce, la venge des loix qu’on a violées.

Il est très-ordinaire de voir, dans un jardin fruitier, les arbres à fruits d’été, d’automne & d’hiver, mêlés indistinctement les uns avec les autres ; on ne sépare pas plus les arbres dont la végétation a une force, par exemple, comme douze de ceux dont le degré de végétation n’excède pas six. Il résulte de ces bigarrures, qu’une allée, qu’une partie d’un espalier sont dégarnis de fruits & de feuilles, tandis que les arbres de certaines places en sont chargés. Il vaut beaucoup mieux destiner un emplacement pour chaque espèce en particulier ; par exemple, tous les bons chrétiens d’été ensemble, &c. &c. Il en est ainsi pour les arbres inégaux en végétation. N’est-il pas plus agréable à voir dans une allée des arbres taillés, soit en évantail, soir en buisson, & tous de la même force & de la même hauteur, plutôt que d’en voir un plus haut, l’autre plus bas ? Le jardinier aura beau tailler long ou court, par exemple, une arménie panachée, ses branches ne s’élèveront, ne s’étendront & ne se feuilleront jamais autant que celles d’un dagobert, &c., le premier aura perdu ses feuilles à la première matinée fraîche, tandis que l’autre ne se dépouillera qu’aux gelées. Que d’exemples pareils il seroit facile de rapporter !

J’insiste sur la séparation des espèces, afin que le jardinier ne fasse point de méprise à la taille. L’homme instruit connoît la qualité de l’arbre à la seule inspection du bois ; mais, pour parvenir à ce point de certitude, il faut une longue pratique, & surtout avoir l’art de bien observer. Un autre avantage qui résulte de cette séparation, consiste dans la facile cueillette des fruits, elle évite le