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des pratiques bien différentes ; dans plusieurs pays, on les fait boire deux fois le jour ; dans d’autres, on les abreuve une fois chaque jour ; dans d’autres enfin, une fois en deux jours, ou en quatre jours, ou en six, huit, dix ou quinze jours, &c. Ces pratiques changent suivant les saisons & les différentes nourritures ; mais il n’y a point de règle établie sur de bonnes raisons. Cependant on a reconnu par des expériences faites en Bourgogne, qu’il ne falloit pas abreuver les moutons deux fois par jour, parce qu’ils boivent plus d’eau chaque jour en plusieurs fois qu’en une seule. Lorsqu’il y a de l’eau dans le voisinage, & lorsque le troupeau est sain, conduisez-le à l’eau une fois chaque jour seulement ; mais ne l’arrêtez pas, menez-le doucement. Les bêtes qui auront besoin de boire s’arrêteront, tandis que les autres paîtront sans boire ; moins une bête à laine boit, mieux elle se porte.

Quelquefois l’eau est si loin que l’on ne peut pas y conduire les moutons sans les fatiguer ; dans ce cas, il suffit d’y conduire le troupeau une fois en deux ou trois jours, suivant la nourriture & la saison ; mais il ne faut jamais trop tarder à l’abreuver, parce qu’il est prouvé que les moutons boivent en un jour presqu’autant d’eau qu’ils en auroient bu dans les jours précédents qu’ils ont passés sans boire. Cette grande quantité d’eau prise tout à la fois, leur fait plus de mal, que s’ils l’avoient bue en plusieurs fois & à différents jours. Cet excès cause les épanchemens d’eau auxquels les bêtes à laine sont très-sujettes.

§. VI. S’il faut donner du sel aux moutons ? En quel temps faut-il le donner ? Combien doit-on en donner à chaque fois ? Quels sont les effets du sel ?

Les moutons qui sont dans un pays sec, & qui se portent bien, peuvent se passer de sel. On voit des troupeaux en très-bon état dans les pays où on ne donne point de sel aux moutons ; même dans les pays marécageux où ils sont sujets à la pourriture & aux autres maladies causées par l’eau, & dans tous les pays lorsque les bêtes à laine sont attaquées de ces maladies, le sel pourroit peut-être les en préserver ou les guérir.

On doit donner du sel aux moutons, lorsqu’ils sont languissans ou dégoûtés, ce qui arrive le plus souvent dans les temps de brouillards, de pluie, de neige, ou de grand froid, & lorsqu’ils n’ont que des nourritures sèches.

Une petite poignée à chaque mouton tous les quinze jours, une livre pour vingt tout les huit jours, ce qui fait environ six gros pour chaque bête, voilà la quantité de sel qu’il faut donner à chaque fois.

Le sel par sa nature donne de l’appétit & de la vigueur, dessèche les humidités, empêche les obstructions, fait couler les eaux superflues qui sont la cause de la plupart des maladies des moutons. Il est donc indispensable d’en donner, au temps prescrit, à ces animaux.

Cependant l’usage n’en est ni assez général ni assez uniforme. Certains cultivateurs en donnent deux fois par mois, d’autres trois fois, d’autres tous les huit jours ; quelques-