Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/256

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semblées dans un vaste réservoir que l’on remplit de paille, de feuilles & de toute espèce de végétaux, manifestent un foie de soufre sur toute la superficie & sur les bords, après qu’elle a fermenté ; l’odeur en est désagréable & fétide, mais le tout forme un engrais excellent. On peut encore, à la paille & aux végétaux, ajouter lit par lit de bonne terre ; & à mesure que l’eau superfine s’évapore, on couvre, de semblable terre, la partie du sol & de la masse totale qu’elle laisse à sec. L’ouverture des moulins est fixée en novembre ou en décembre, suivant les cantons & les espèces d’olives qu’on y cultive, & on les ferme ordinairement en février : pendant ces mois il y a peu d’évaporation, la chaleur de l’air n’est pas assez forte pour l’établir ; enfin, la trop grande quantité d’eau s’oppose à la fermentation & à la putridité. À la fin de l’hiver, & lorsque cette eau a déposé le mucilage & les autres parties qu’elle contenoit, enfin, lorsqu’elle ne conserve pour ainsi dire plus que la partie colorante dont elle est chargée, on dégage l’ouverture que l’on avoit bouchée pour la retenir, & on la laisse écouler à la hauteur que l’on veut ; mais il est essentiel d’en conserver une certaine quantité dans le fond du réservoir, afin que la masse du fumier la pompe en proportion de celle qui a été perdue par l’évaporation dans la partie supérieure.

La grande fermentation putride s’établit lorsque les chaleurs du printemps commencent à prendre une certaine force, & celle de l’été en achève la décomposition. Dans le courant de septembre, l’engrais est enlevé du réservoir, & il reste amoncelé sur ses bords jusqu’au moment où il sera transporté sur le champ. La couleur de cet engrais approche du noir bleuâtre, sa consistance ressemble à celle du fromage de Gruyère, & la bêche ou la pelle le coupe & l’enlève par tranches semblables à celles de la tourbe. La partie de l’engrais exposée au soleil, perd bientôt sa couleur foncée, & devient grisâtre. Aucun engrais n’approche en bonté de celui-ci, soit pour les champs, soit pour les oliviers. La simple eau des moulins, & qui a fermenté pendant plusieurs jours, voiturée sur les champs, de la même manière que les flamands y transportent & y répandent les eaux de fumier, assure la beauté des récoltes & la forte végétation de l’olivier ; mais leur effet est moins durable que celui de l’engrais en nature, quoiqu’on ait labouré le sol aussitôt après l’irrigation.

Ces réservoirs, ces mares sont, pendant les chaleurs, de vrais foyers de putridité, d’où s’échappe sans cesse une quantité prodigieuse d’air fixe, (voyez ce mot) & d’où il sort beaucoup d’infection. L’avantage qu’on en retire ne peut être mis en comparaison avec la santé des cultivateurs ; la prudence exige donc que ces réservoirs soient très éloignés de toute habitation, & que malgré leur distance, aucune ne soit sous le vent. On dit que l’air est mal sain dans telle ou telle métairie, dans certains villages, &c. ; que la fièvre y règne pendant tout l’été, qu’elle consume les habitans, & l’on ne fait pas attention que ces maux tiennent de petites & de semblables causes. Il me paroît que l’on peut, par voie de justice, forcer les propriétaires à détruire ces germes de corruption.