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Ensuite il plante cette pourrette avec une cheville, dans une terre défoncée & bien travaillée, jusqu’à la profondeur de huit à douze pouces.

Cette méthode est à peu près générale dans tout le royaume ; cependant je ne saurois l’approuver : elle suffit pour le pépiniériste, qui n’a d’autre but que de vendre des arbres ; mais le véritable cultivateur qui désire la perfection, & surtout qui craint que les racines latérales & superficielles du mûrier ne détruisent sa récolte à plus de 30 pieds du tronc, opère d’une manière bien différente ; il sait qu’on ne doit espérer aucune vraie réussite qu’en imitant la nature, cherche à e conformer à ses loix, & à ménager les ressources qu’elle présente à l’homme instruit. Sa manipulation devient l’objet des épigrammes de ses voisins ; mais au-dessus de leurs faux raisonnemens, il ne craint pas une petite augmentation de dépense dans la main-d’œuvre ; enfin, la force, la beauté, le produit & la durée de ses arbres justifient ses travaux.

Il a deux méthodes ; la première, de planter à demeure à mesure qu’il sort la pourrette du semis ; & la seconde, de former une pépinière.

Les caisses, sur les avantages desquelles j’ai insisté, lui permettent d’avoir le jeune plant avec tout son pivot, ses racines & leurs chevelus. Il les ménage tous avec le plus grand soin, parce qu’il sait que la nature n’a rien produit en vain, & après avoir doucement séparé chaque plant, il les porte à leur destination.

Dans l’endroit déterminé pour recevoir le plant à demeure, une fossé quarrée est ouverte à deux pieds de profondeur sur trois à quatre de largeur ; le fond même est travaillé par un fort coup de bêche. S’il y a du gazon dans le voisinage, ou s’il peut en transporter commodément, il s’en sert pour garnir le fond de la fosse ; enfin, il plante sa pourrette & dispose ses racines, ses chevelus, qu’il a conservés dans leur intégrité, avec autant de soin que l’amateur des vergers plante ses arbres fruitiers. Si le pivot, racine si essentielle, a tracé dans la caisse, & s’y est alongé de plus de deux pieds, il fait avec une cheville un trou assez profond dans le milieu de la fosse pour recevoir le pivot ; ensuite, à mesure qu’il arrange les racines secondaires, il les enterre, remplit la fosse, & observe qu’un terrain remué à deux pieds de profondeur, doit ensuite se tasser de deux pouces. Si ce cultivateur habite un pays chaud, où il pleut rarement pendant l’été, il a soin, à deux ou trois pouces au-dessous de la surface du sol, d’étendre une couche de vannes de blé, ou d’orge, ou d’avoine, de la recouvrir de terre afin d’empêcher la grande évaporation de l’humidité : enfin, il ravalle la tige à deux pouces. Si le champ où cette pourrette est plantée, est soumis au parcours des troupeaux, il environne, avec des broussailles piquantes l’espace de la fosse, & le jeune arbre est en sûreté.

Que d’objections ne fera-t-on pas contre cette méthode ! comment travailler le sol ? comment l’arroser ? enfin tous les comment possibles ? Je réponds, que dans les provinces du centre & du nord du royaume, les chaleurs sont peu fortes,