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chaud est incapable de les tiédir sur-le-champ. En hiver ? Il n’y a rien à craindre, quand elles garderoient long-temps leur chaleur ; enfin, s’il règne de l’humidité, c’est le moyen de leur faire acquérir une augmentation de poids, toujours préjudiciable à leur conservation.

Il est donc de la dernière importance en meûnerie, que la chaleur communiquée aux farines par les meules, n’excède pas de dix degrés la température de l’atmosphère ; autrement les principes peuvent être altérés, & sur-tout la matière glutineuse qui éprouve, à chaque mouture, un commencement de décomposition : le moulin alors va trop vite, il expédie trop de grains ; il faut alléger les meules, leur donner la quantité de blé relative à leur force, & diminuer le moteur, sans quoi le moûnier mérite les reproches les mieux fondés, parce qu’on doit toujours supposer qu’une farine qui a un pareil degré de chaleur à l’anche, en avoit davantage avant d’y arriver ; car la farine, en qualité de poudre blanche, est un très-mauvais conducteur de la chaleur ; elle la perd assez promptement, sur-tout quand elle est divisée en petites masses.

Si les dix degrés de chaleur qu’ont les farines, sont déjà capables d’altérer leurs principes, que l’on juge maintenant de ce qui doit arriver dans nos provinces, ou, pour broyer en une seule fois la totalité du grain, on fait usage de toute l’impétuosité du moteur, plutôt que d’en tempérer la violence ; on serre les meules, qui, déjà défectueuses par elles-mêmes, tournent si rapidement, qu’elles parcourent leur cercle plus de cent fois par minute, & occasionne une chaleur telle, qu’à peine la main eut la supporter. Comment ensuite le boulanger le plus éclairé peut-il parvenir à faire du pain de bonne qualité, lorsqu’à cet inconvénient s’en joint un autre, celui d’une taxe trop basse qui oblige à acheter des grains de médiocre qualité, & à faire rapprocher encore davantage les meules, pour moudre plus près, & introduire du son divisé dans la farine ? Que ne sera-ce donc pas encore, si aux moutures vicieuses se réunit une mauvaise manutention ? Faut-il s’étonner si avec le meilleur blé on ne fait, dans plusieurs endroits du royaume, que du pain médiocre & fort cher.


Article II.

Choix des farines.

Si la connoissance des grains est d’une utilité importante, celle des farines n’est pas moins nécessaire : sans ce double avantage, jamais on ne saura quelle est l’espèce de farine qu’on a à traiter, ni les règles qu’on doit suivre pour les conserver & les travailler ; ainsi, continuellement exposé à être trompé dans les achats & au moulin, il sera impossible d’obtenir constamment la qualité du pain qu’on a l’intention de fabriquer.

Mais heureusement la connoissance des farines est aussi facile à acquérir que celle des grains qui les ont produites ; elles ont comme eux des caractères distinctifs de bonté, de médiocrité & d’altération, qu’il est difficile à l’œil, à l’odorat & à la main, un peu exercés, de ne pas saisir.