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la séve vers le côté maigre. Je ne parle ici que de ces arbres vigoureux qui portent toute leur sève d’un côté, & dont les branches chargées d’embonpoint ont affamé l’autre, La diette & l’abstinence que je fais observer à ce côté trop nourri, consistent dans la soustraction de la bonne terre pour en substituer une inférieure en bonté. J’y joins quelquefois le raccourcissement de quelques racines dans leur fort.

Au printemps, ou à la chute des feuilles, j’enlève au côté parasite toute la bonne terre à trois ou quatre pieds environ du tronc. Je laisse au pied de l’arbre de ce même côté, une motte de terre d’un pied, à laquelle je ne touche point, de peur d’ébranler ou d’entamer les premières racines qui partent du tronc. Du reste, je les découvre tout-à-fait, comme pour déplanter l’arbre avec les précautions requises pour leur conservation. Un grand nombre de racines confuses & entrelacées s’offrent à mes yeux, j’en enlève quelques-unes & je les espace. Je les coupe jusqu’à la motte en y appliquant l’onguent de Saint-Fiacre, à raison de leur force. Cette seule opération de mettre ces racines au jour, a souvent occasionné un ralentissement de séve.

Quant aux racines découvertes, je les raccourcis, en les coupant dans leur fort, elles ne s’allongent plus dès-lors, & ne poussent que des racines moyennes ou un plus grand nombre de petites. Je ne touche point au chevelu, ni à celles qui piquent au fond. Mon opération faite, je les recouvre avec moitié sable & moitié terre, la plus aride & la plus mauvaise que je puisse trouver. Il faut, en remplissant, passer la main dans tous les vides qui se trouvent autour des racines, pour y couler de la miette & n’y point laisser de jour. L’effet de cette opération se conçoit aisément.

Ce seroit peu faire si je ne portois pas en même-temps du secours à l’autre côté qui ne profite point. Je lui ôte également toute sa terre jusqu’aux premières racines seulement, & j’en substitue de la neuve dont je les couvre à la hauteur de six pouces ; je mets par dessus pareille épaisseur de gazons renversés, que je comble de fumier gras bien consommé. Je laisse au pourtour un bassin ou je fais jeter à l’instant quelques seaux d’eau, pour faire approcher toutes ces terres des racines & en hâter la combinaison.

Ce premier moyen de faire jeûner les arbres, est excellent pour dompter des poiriers & des pommiers qui ne donnent que du bois & point de fruits, avec cette différence qu’au lieu qu’on ne fait jeûner ici qu’une partie de l’arbre, dans ceux là l’abstinence est pour la totalité.

À la taille suivante, ce côté de l’arbre condamné à la diette, a besoin d’être ménagé. Il faut être très-réservé sur la quantité de bois qu’on lui laisse ainsi que sur la longueur. Quant à l’autre, je lui donne une taille plus forte & qu’il est en état de soutenir au moyen de ce qu’il a toutes ses racines dans lesquelles passera désormais l’abondance de la séve, par les engrais qu’on lui prodigue. On ne tarde point à s’apercevoir de l’effet de ces opérations. Le côté foible fleurit plutôt, verdit de meilleure heure, est en tout plus hâtif, ses bourgeons sont plus vigoureux : dès l’année même, il croît prodigieusement, tendis que l’au-