Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/596

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au verger ; & bien qu’avec raison peussions appeler noyaillère & fruitière la terre de l’assemblage de telles semences, aussi-bien que pépinière, néanmoins pour l’ordre lui laisserons-nous son nom accoustumé, mesme pour ceste cause que plus de pépins y loge-t-on communément que ne de noyaux ne de fruits. Dirons aussi semer, mettre en terre tous pepins, noyaux & fruits desquels désirons avoir des arbres ; par meilleure raison que ceux qui appellent planter la mesme chose, ne pouvant user de tel mot que là où s’agit de plant enraciné. »

» Dans l’enceint des jardinages, ordonnerons nostre pépinière en lieu couvert de la bize, & terre tempérée, facile à cultiver & exempte de l’importunité de la poulaille pour les grands maux qu’elle y fait, surtout au commencement, lorsque de nouveau l’on a mis les semences en terre, & que les arbrisseaux en provenant, repoussent. »

» Les pépins seront prins en leur parfaite maturité, choisis pesans & de belle couleur, toujours préférant les pépins des bons fruits à ceux des mauvais, & des meilleurs aux bons, pour l’avantage qu’on tire de telle curiosité, espargnant quelquefois l’enter, quand par heureux rencontre les arbres en provenans rapportent fruits du tout francs : ce qu’on n’oseroit espérer de pépins sortis de fruits de mauvaise nature. Es provinces, où pour boisson l’on se sert des fruits, le recouvrement de leurs pépins est facile, car il ne faut qu’en prendre le marc à l’issue du pressoir, après le sécher, froisser entre les mains, & en soufflant retirer les pépins de leur poussière : mais ou tel commodité défaut, l’on se pourvoira de pépins le mieux qu’il sera possible, avec exquise recherche comme il a esté dit. »

» Le temps de mettre les pépins en terre est le mesme des semences de froment, ayant cela de commun que de profiter bien, estant semés en beaux jours ; non froids ne pluvieux, ne venteux, la Lune estant en décours.[1] Le lieu de la pépinière sera desparti en planches & quarreaux tant longs que l’on voudra, mais seulement larges de quatre à cinq pieds, afin que par tel estroicissement, des costés l’on puisse atteindre avec la main jusqu’au milieu de la planche pour sarcler, curer, cultiver les nouvelles plantes & arbrisseaux provenans de semence, sans les fouler aux pieds comme l’on seroit contraint de faire, marchant dessus par le trop de largeur de la planche. Les pépins seront semés assez rarement & uniment, puis on les couvrira de deux doigts de terre qu’on y criblera par-dessus, afin que sans presse les abrisseaux en repoussent à volonté. Les espèces seront séparées par quarreaux, à ce que distinctement l’on voye les poiriers, pommiers, cormiers, pour les cultiver selon leur naturel. Si telles semences sont faites en septembre ou en octobre, sortiront de terre

  1. Cette opinion sur les effets de la lune, remonte à la plus haute antiquité. Les grecs & les romains y ajoutoient beaucoup de foi. Les modernes trop tranchans, ne doutant de rien, ont nié & nient encore les effets de la lune. On commence cependant à revenir de ces deux opinions si opposées, & le système du célèbre Toaldo, apprend au moins à douter, & il ouvre une vaste carrière aux observations & à l’expérience (Consultez les mots Almanach, Lune)