Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/598

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sans nullement les offenser ne rompre, demeurans au rang des noyaux, les ossemens des autres fruits, comme des abricotiers & peschers ; de la chair desquels on les dépouillera, pour estans nuds les semer. Tous desquels fruits & noyaux, avant de les mettre en terre, seront ramollis dans l’eau par trois ou quatre jours[1], afin de faciliter leur naissance : & moins demeurer en terre à la merci de la vermine qui, à la longue, les y ronge, & si on désire augmenter le goust & l’odeur des fruits qu’on espère de ce mesnage, au lieu d’eau pure, l’on trempera les noyaux & fruits dans des précieuses liqueurs parfumées à l’usage des poupons.[2] Curiosité si vaine, n’est pourtant nuisible. Semés que soient dans le mois d’octobre ou de novembre, germeront à l’issue de l’hiver, ne poussant leurs tendrons de longtemps pour la dureté des coques qui les contiennent, lesquelles à la longue attendries, s’entrebâillant, les laissent sortir. Ceste tardité revient au profit de l’œuvre, quand sont escoulées les froidures, les nouveaux jetons sans crainte d’estre offensés du mauvais temps, vigoureusement repoussent a la prime-vère : employant de là en hors si bien la douceur des saisons, que dans le prochain esté se rendent suffisamment fortifiés pour l’enter ou le transplanter en la bastardière dans l’automne ou le printemps suivant, si toutes fois désirez faire ou l’une ou l’autre, ou tous les deux… De semer les noyaux incontinent après avoir mangé les fruits, est se mettre en danger de perdre la pluspart de son espérance ; d’autant que difficilement naissent-ils en telle saison, tenans encores beaucoup de la chaleur précédente, & qu’à peine sortent de l’hiver les arbrisseaux nés devant les froidures, pour la délicatesse de ces tendres plantes ; si, qu’il n’est de merveille d’en voir profiter la seule dixiesme partie. Si désirez semer des noyaux & fruits ès lieux destinés pour y fructifier, sans vous donner la peine de les transplanter, le pourrez faire avec espoir de bonne issue, quelquefois cela recontrant ; mais c’est à la charge d’en semer quatre ou cinq ensemble en chaque lieu, où désirez un seul arbre ; à ce que pour le

  1. Il vaut beaucoup mieux placer les noyaux, & toutes semences à enveloppes dures, entre des linges ou des draps de laine fortement, imbibés d’eau, & les placer au soleil. On aura l’attention d’entretenir leur humidité ; un exemple bien simple va prouver combien la pénétration de l’eau est plus forte en suivant ce procédé. Promenez-vous sur de l’herba chargée de rosée, & vous verrez que le cuir de vos souliers sera bien plutôt pénétré de part en part que si vous aviez marché dans l’eau pendant un temps égal. En outre l’action du soleil, la chaleur de sa lumière, jointe à l’humidité, accélèrent beaucoup plus la germination ; l’expérience est facile à répéter.
  2. Je n’ai jamais fait cette expérience ; je doute de son succès, quoique je ne le nie pas. Si on lit dans l’aticle blé la manière dont le grain de froment se développe, on se persuadera combien peu sont utiles toutes les préparations que l’on donne à son grain. Cependant, en admettant la pénétrabilité de l’odeur de ce grain, celui du froment devroit avoir l’odeur & la saveur du jus de fumier, ou de telle autre drogue, dans lesquels on le fait tremper. Je réponds, d’après mon expérience, que la coloration des fleurs ou des feuilles, &c. ne ma jamais réussi, & qu’elle me paroît contraire aux loix physiques de la végétation.