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les parties de l’air en mouvement, & pour les faire choquer les unes contre les autres, ainsi que les molécules des exhalaisons grossières, que le feu. Il sera donc nécessaire d’en avoir & d’en entretenir dans la maison, d’allumer d’autres feux dans les rues au lever du jour, vers les deux ou trois heures après le soleil couché ; & pour les rendre plus salutaires on y fera brûler des fagots de plantes aromatiques. Hippocrate & Empédocle ont arrêté avec succès les progrès d’une épidémie de peste, l’un à Athènes & l’autre à Aggrigente, en faisant allumer des feux publics. Mais ce secours a échoué en France & en Angleterre. Ces différences tiennent sans doute au caractère de l’épidémie. Il faut croire que dans celles où les crises se font par les sueurs, ces moyens doivent être avantageux, & nuisibles dans les autres. En général, un feu modéré d’un bois odoriférant, tel que le romarin, le genévrier, le santal & celui d’aloès, est très-bon dans les appartemens, pourvu que ses ouvertures en soient ménagées de manière qu’il serve de ventilateur.

Comme il est très-difficile de rassurer les esprits & de les faire revenir de la terreur dans laquelle le préjugé de la contagion les a plongés, & que le commerce des gens prévenus entretient, ainsi que les relations surprenantes de l’arrivée de la peste dans certains lieux, par les voies de la contagion, auxquelles chacun prend plaisir d’ajouter quelque circonstance merveilleuse, il est absolument nécessaire de diminuer cette terreur & cette crainte. Quand le médecin ne le peut pas par de bons raisonnemens ni à la faveur de quelques remèdes préservatifs, dans la vue de rassurer & de distraire leur esprit de l’attention qu’ils donnent à l’objet terrible de leur crainte, il peut, & il doit même conseiller & commander plusieurs fois dans le jour l’usage de plusieurs sortes de parfums propres à corriger les mauvaises odeurs des rues & à les garantir des atteintes de la contagion, à l’approche, des personnes suspectes.

Mais ces parfums sont de deux espèces : les uns sont agréables, & les autres, au contraire, sont très-désagréables, mais très-utiles aux personnes du sexe que les odeurs douces jettent dans des vapeurs.

Les odeurs agréables se réduisent à faire brûler du vinaigre sur une pelle ardente, ou à faire brûler du thim, du romarin, du serpolet ou de la sauge dans un réchaud, au milieu d’une chambre ; ou à tenir une cassolette remplie d’eau de fleurs d’orange, de clous de giroffle avec quelques brins de bois d’aloès ou de santal, ou tout simplement de bon vinaigre, d’eau rose, d’eau de la Reine d’Hongrie ou d’eau de thim ; on peut encore faire brûler sur quelques charbons ardens quelques grains de storax ou de benjoin ; on obtiendra des odeurs plus fortes & plus désagréables en faisant brûler quelques grains d’assa-fœtida, d’opopanax ou de sagapénum ou de castor. On fera flairer très souvent dans le jour des liqueurs spiritueuses, telles que l’esprit de vinaigre distillé avec les feuilles de scordium ou de mélisse, l’eau de la Reine d’Hongrie, l’esprit de vin camphré ; & pour les femmes, la teinture de castor, mêlée avec parties, égales de sel ammoniac & de teinture de succin.