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bruyères, & en étendue proportionnée au nombre des troupeaux ; chaque jour on les conduira dans une des divisions ; les feuilles auront le temps de recroître avant qu’on les y ramène.

Mais, dira-t-on, comment se procurer la graine de cette plante ? rien ne coûte aux gens riches, les jardiniers & marchands de graines de tout le royaume, s’empresseront de satisfaire leurs goûts, & de se débarrasser eux-mêmes de leur marchandise, & à bon prix. Ainsi nulle difficulté pour ceux-ci. Quant au propriétaire moins aisé, il tâchera de se procurer quelques livres de graines, il les sèmera dans un de ses champs, laissera grainer les plantes ; sèmera leur produit dans le champ destiné au troupeau, & ainsi de suite d’année en année ; s’il fait perdre du temps pour en gagner par la suite, s’il n’est pas tourmenté par le désir de jouir promptement, il sèmera la première graine qu’il récoltera dans la place voisine du bon champ qui a produit la graine, & à la fin de la seconde année, il aura de quoi ensemencer une vaste étendue.

On ne doit pas laisser former & encore mûrir la graine des pimprenelles qui doivent être fauchées ; il faut les abattre dès que la majeure partie des plantes est en pleine fleur. C’est l’époque à laquelle elle contient plus de sucs, & son meilleur état ensuite comme fourrage sec. Lorsqu’on désire détruire cette espèce de prairie naturelle, on laissera mûrir sur pied, si on a besoin de graine, ou bien après avoir levé la dernière coupe de dessus le champ, on déracinera la plante avec la charrue simple, & ensuite on l’enfouira avec la charrue à oreille. Dans les cantons maigres & tels que ceux dont on a parlé plus haut, le troupeau passera & repassera par dessus pendant plusieurs jours de suite, & aussi-tôt après, on labourera & on retournera la terre & la plante. Il vaudra beaucoup mieux, si on a d’autres pâturages, laisser la plante pousser toutes ses feuilles au printemps ; & lorsqu’elle sera prête à fleurir, enterrer le tout avec la charrue, afin d’ajouter à la terre végétale, qui se sera formée depuis que la plante est dans le champ.

Si on sème aussi-tôt après la récolte, ou au plus tard en septembre ou en octobre, on gagne presqu’une année, parceque la plante se fortifie pendant l’hiver, & donne beaucoup au printemps suivant.

Comme chaque auteur cherche à ajouter à ce qui a été dit avant lui par un autre, on a été jusqu’à proposer de séparer les œilletons des gros pieds, de les planter séparément à dix ou douze pouces de distance dans un champ bien préparé pour les recevoir ; l’époque est un peu avant l’hiver ou avant le printemps ; il faut profiter d’un jour disposé à la pluie.

Cette opération est fort bonne pour ceux qui ne sont pas obligés de compter sans cesse avec eux-mêmes ; mais le simple particulier fera très-bien de se contenter du semis qui est plus expéditif, aussi sûr & moins coûteux.

Dans les pays tempérés, & où les pluies ne sont pas rares, les meilleurs semis sont ceux qui se font après leur récolte ; on peut même mêler la graine de pimprenelle avec celle du sarrasin ou bled noir, & semer la première aussi épais que si on la jetoit seule en terre. Le sarrasin gagnera de vitesse la pimprenelle, mais il ne reste sur pied que jusqu’à la St. Martin