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vre immédiatement d’une croûte de glace, avant que la neige tombe : le lichen se trouve pris au-dessous, & le renne ne pouvant y pénétrer, est privé de son aliment naturel, & ne peut que périr, faute de substance dans ces climats stériles. Le Lapon est alors exposé à perdre une grande partie de les troupeaux, & il n’a d’autre ressource pour les faire subsister, que d’abattre avec la hache, les vieux pins qui sont couverts d’une mousse filamenteuse. La neige sert de couverture à la terre, & entretient une certaine chaleur nécessaire à la végétation.

Diététique & Médecine.

La neige peut être employée au défaut de la glace, pour préparer des boissons rafraîchissantes. Il paroît que les anciens Romains en usoient ainsi pendant l’été, & qu’ils conservoient dans des espèces de glacières, la neige la plus pure qu’on faisoit prendre dans les montagnes. On en servoit ensuite à table, & la prompte dissolution dans les boissons, devoit produire une fraîcheur agréable durant les grandes chaleurs de l’été. Pline le naturaliste, déclame contre cette coutume, & prétend qu’il résulte en général, de la neige, une boisson très-nuisible. Mais de pareilles opinions tiennent souvent à des préjugés ou à des principes de physique peu exacts. La raison en effet, que ce naturaliste en donne, est que la neige étant un corps solide, ce que l’eau avoit de plus subtil, s’est évaporé. Or, on sent aisément que les notions qu’on a maintenant acquises sur la nature & la formation de la neige, ne laissent plus de prise à de pareils raisonnemens : il est aussi très-douteux qu’on doive attribuer la formation des goîtres à la seule boisson de l’eau qui résulte de la fonte des neiges, & il faut nécessairement admettre le concours de la nourriture & de l’influence de l’air.

Rien ne prouve mieux la différente origine de la chaleur animale & de celle des autres corps, que le pouvoir qu’a la neige même d’exciter la première par son application sur le corps vivant : qu’on frotte ses mains avec la neige, bientôt après on y éprouvera une chaleur vive & piquante, comme par une espèce de réaction des forces de la vie qui semblent repousser une atteinte nuisible. Les septentrionaux rappellent ainsi la chaleur à leurs mains, à leur nez & à leurs oreilles, après s’être exposés à un froid aigu, & au moment de rentrer dans leurs demeures. On a employé dans les fièvres malignes ou pestilentielles, des frictions avec la neige ou la glace ; & ce moyen est devenu un tonique salutaire qui a rappelé une vie prête à s’éteindre : la neige ou toute autre eau, dans un état de froideur glaciale, est employée par les Russes immédiatement après leurs bains de vapeurs ; ils se roulent tout nuds sur cette espèce de congélation, raffermissent leur corps comme par une espèce de trempe : ce passage brusque & subit ne fait que les rendre plus robustes, & répercuter les humeurs qui s’étoient portées à la surface du corps par une chaleur humide ; leur peau étoit d’un rouge vif & pourpré en sortant du bain ; bientôt par l’action de la neige, elle reprend la blancheur de l’albâtre. Ce peuple, en observant cette coutume, se maintient sain & robuste, au lieu