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à des matières sucrées, jointes à ces racines, ou plutôt aux baies de cette plante qui, comme la plupart des fruits renferment toujours un corps muqueux, doux, plus ou moins développé ; mais cette circonstance, loin d’être défavorable à la pomme de terre, ne peut lui être que très-avantageuse : il eût été à craindre que le peuple de certaines contrées déjà fort enclin à l’usage des liqueurs fortes, ne changeât en poison ce que la nature lui présente comme aliment salubre.


Section II.

De leur conservation.

Avant de déposer les pommes de terre dans l’endroit où elles doivent rester en réserve, il est nécessaire de les laisser un peu se ressuer au soleil ou sur l’aire d’une grange, après les avoir mondé de toutes les racines chevelues & fibreuses qui les réunissoient ensemble. Cette opération préliminaire achève de dissiper une humidité superficielle, détruit l’adhérence d’un peu de terre qui leur feroit contracter un mauvais goût, & assure davantage leur conservation. Il faut faire le triage des grosses d’avec les petites, mettre les premières en réserve pour la plantation, & les autres pour la nourriture, ce sera un embarras de moins pour la consommation : il convient encore de séparer celles qui sont gâtées ; une seule d’entr’elles réussiroit pour endommager toutes les autres.

Mais les différentes pratiques de conservation adoptées, dépendent de la provision ; il est utile de les exposer : il seroit douloureux de se voir privé tout d’un coup d’une ressource essentielle, faute de l’oubli de certaines précautions ignorées dans quelques endroits, mais faciles à être employées partout.

Première pratique. On peut conserver les pommes de terre comme les autres racines potagères en les mettant dans un lieu sec & frais avec de la paille lit sur lit ; mais la cave ou le grenier dont on se sert pour cet objet, laissant pénétrer le chaud & le froid, il arrive souvent que la provision gelée ou germée, ne peut plus servir à la nourriture, si on la perd de vue un moment.

Seconde pratique. Beaucoup de cultivateurs éclairés, ayant un emplacement convenable & les moyens de faire quelques avances, conservent les pommes de terre dans des tonneaux avec des feuilles séchées ; ils portent ensuite ces tonneaux bien remplis dans des endroits inaccessibles au chaud & au froid.

Troisième pratique. Elle est généralement adoptée par les anglois & les allemands qui la tiennent des américains. Dans le terrain le plus élevé, le plus sec, le plus voisin de la maison, on creuse une fosse d’une profondeur & largeur relatives à la quantité de pommes de terre qu’on voudra conserver : on garnit le fond & les parois de paille courte : les pommes de terre une fois déposées, sont recouvertes ensuite d’un autre lit de paille, & on fait au-dessus une meule en forme de cône ou de talus : on a soin que la fosse soit moins profonde du côté par où on tire la pomme de terre pour la consommation, en observant de bien