Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/406

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qui les améliore, & leur rende leur première qualité.

» La quatrième espèce de mauvaises eaux, ce sont les eaux visqueuses ; je ne parle pas en physicien, mais en cultivateur. Je sais que toutes les eaux ont de la viscosité, puisqu’elles s’attachent aux corps les plus unis, qu’elles se réunissent en gouttes, & qu’elles servent à lier l’argile & le sable dans la formation des briques ; mais j’entends ici celles qui pèchent par l’excès de ces parties glaiseuses.

» C’est un défaut très-ordinaire aux eaux de puits, à celles qui découlent par les aqueducs ou par les fossés des terres blanches, lourdes, argileuses, ou guipassent sur ces terres ; elles sont gluantes, compactes, sucent l’eau comme une éponge, & ne la rendent qu’après lui avoir communiqué une viscosité très-nuisible aux terres, peut-être même après avoir absorbé ses particules végétatives[1].

» Observation générale. Tant que les eaux coulent sur un lit de gravier, de sable, ou de petits cailloux, elles sont de bonne qualité, & ne contractent aucun vice ;… pour découvrir la viscosité de l’eau, on prend une éponge bien lavée, sur la quelle on fait tomber pendant quelque temps, l’eau qu’on se propose d’éprouver ; si elle est bonne, elle déposera dans l’éponge, une matière lisse, huileuse, &c graisseuse, qui n’est autre chose que du fin limon dissous ; mais les eaux dangereuses dont nous parlons, y laissent une viscosité gluante, épaisse, qui, à la vue & au toucher, ressemble assez à un blanc d’œuf ; matière qui, insensiblement, durcit le terrain, ferme ses pores & en diminue la fertilité. Les terres fortes, sur-tout, qui, de leur nature sont déjà argileuses, ne sauroient les recevoir sans être détériorées ; mais les terres sablonneuses peuvent en profiter ; elles ont besoin d’une consistance & d’un gluten qu’elles trouvent dans les parties limoneuses que ces eaux y déposent.

» Nos économes distinguent deux autres espèces d’eau qui forment la cinquième & la sixième classe. Ce sont les eaux fatiguées, & les eaux crayeuses. Ils appellent eaux fatiguées, celles qui étant bonnes naturellement, ont perdu leur fertilité dans leurs cours, & sur les terres qu’elles ont arrosées. Ils disent que l’eau la plus fertile auprès de sa source, perd une partie de la qualité à mesure qu’elle

  1. Note de l’Éditeur. Ne seroit-ce pas plutôt une très-grande partie de son air de combinaison ? en effet, on voit dans les pays, méridionaux que l’eau du ruisseau qui coule de la montagne entre des rochers escarpés, nuds & exposés à toute l’ardeur du soleil, est non-seulement nuisible comme boisson, mais encore pour l’irrigation. Certainement cette eau ne s’est imprégnée d’aucune partie de la substance de ces rochers que je suppose graniteux comme les moins susceptibles de dissolution. Cette eau a donc perdu de cascade en cascade, & par l’effet des grosses chaleurs, un de ses principes ou un de ses accessoires quelconques, puisqu’elle devient mal-saine jusqu’au retour des fraîcheurs de la saison ; mais quel est cet accessoire fugace ? c’est l’air ; &. voilà pourquoi l’eau qui a bouilli pèse à l’estomac. En raison de sa viscosité, l’eau dont il s’agit dans le texte, s’empare de l’air de combinaison de l’eau nouvelle qui afflue.