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menti, que la rage est moins fréquente dans le bas-Languedoc & la Provence, que dans nos provinces septentrionales.

L’horreur de l’eau en fait le principal caractère, mais on est encore dans les ténèbres sur sa nature, sa cause, ses préservatifs, & ses remèdes.

On distingue deux espèces de rage ; celle qui vient d’elle-même dans une personne qui n’a été mordue par aucun animal enragé, est appelée spontanée ; mais si elle dépend d’une morsuree ou d’un attouchement immédiat, elle prend le nom de rage communiquée.

L’homme est rarement attaqué de la rage spontanée ; néanmoins il est prouvé, par une infinité d’observations, qu’il n’en est pas absolument exempt. Samult & Salius en rapportent des exemples.

Les vives passions de l’ame ont souvent rendu les morsures très-venimeuses. On lit, dans les Éphémérides des curieux de la nature, qu’un jeune homme, s’étant mordu le doigt, dans un transport de colère, eut le lendemain tous les symptômes de la rage, & en mourut.

Les mélancoliques & les maniaques sont ceux qui sont le plus sujets à la rage. Il paroît que les tempéramens vifs & nerveux y sont aussi très-exposés ; on l’a vu souvent se manifester dans le cours des fièvres malignes, & des fortes fièvres inflammatoires, telles que la phrénésie, la paraphrénésie, & l’inflammation de l’estomac.

La rage spontanée est plus facile à guérir que la communiquée ; on la combat avec succès par les rémèdes généraux, sur-tout si elle est symptomatique. La saignée, les relâchans, & les antispasmodiques, administrés à propos, produisent des effets très-salutaires. Nous nous étendrons davantage sur les différens moyens curatifs qu’on lui oppose, quand nous parlerons du traitement de la rage communiquée. Nous y renvoyons le lecteur.

Pour développer d’une manière claire & précise les différens symptômes qui caractérisent la rage, il faut plutôt faire connoître les différens animaux qui enragent d’eux-mêmes, & qui peuvent la communiquer aux hommes & à d’autres animaux.

De ce nombre sont toutes les espèces de chiens, les loups, les fouines, les belettes, les renards & les chats, qui, d’après Bucham, ne sont pas les seuls animaux qu’on doive craindre à cet égard ; & pour preuve de son assertion, il rapporte l’observation suivante, qui lui a été bien certifiée par un témoin oculaire. « Un cocher étant à la chasse, tire sur un lièvre, & ne le tue pas ; mais il le blesse assez pour que le lièvre reste sur la place ; il court prendre la proie, le lièvre blessé lui attrape le petit de doigt, & le mord très-fortement. Ce cocher, qui n’étoit de la plus glande sécurité sur son état, six semaines après devint enragé, & mourut en trois jours.

On a observé que les animaux carnassiers, tels que les chiens, les loups & les renards, ont les humours plus disposées à la corruption, & que leurs entrailles exhalent, quand on les ouvre, une odeur forte & désagréable ; on sait encore qu’ils ne suent que très-difficilement, qu’ils ont le sang extrêmement gluant, &