Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/738

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

couleur des parties des plantes attaquées de cette maladie, & la poussière brune qui en est le résultat, ont fixé cette dénomination par leur ressemblance avec la rouille du fer. À l’article Froment, tom. V, p. 133, il a été question de cette maladie. Plusieurs expériences que j’ai faites depuis la publication de ce volume m’ont mis à même de mieux connoître la cause de cette maladie. J’ai observé, 1°. que plus le champ avoit été fumé, soit par le parcage, soit autrement, & plus les blés étoient sujets à la rouille ; 2°. que la rouille paroissoit aussitôt après que les gouttelettes d’eau formées par les brouillards ou par la rosée, étoient dissipées par un soleil chaud & piquant ; 3°. que les gouttelettes d’eau des brouillards faisoient moins de mal que celles d’eau de rosée ; 4°. que celles ci étoient presque toujours la cause de la rouille, & qu’aussi-tôt qu’elles étoient dissipées par un soleil ardent, elles laissoient à la place qu’elles occupoient un sédiment d’abord blanchâtre, & qui prenoit ensuite peu à peu la couleur de la rouille du fer ; 5°. que ce sédiment devenoit pulvérulent & sec, & se détachoit, s’il survenoit ou un grand vent ou une pluie assez abondante pour l’entraîner ; 6°, que sous ce sédiment, l’écorce ou épiderme étoit gercée & crevassée ; 7°. enfin que plus ce sédiment restoit long-temps sur la plante, & plus la rouille s’étendoit & occupoit d’espace. Cette rouille est de couleur rouge-orangée sur les feuilles de rosiers, presque noire sur les feuilles de mûriers, &c.

D’après ces observations, la question est de savoir si cette matière pulvérulente est dissoute dans les gouttelettes, ou si elle est due à la plante, J’ai vu & très-bien vu que l’une & l’autre concouroient à sa formation. Un jour, plusieurs gouttelettes de rosée, par un temps bas & pesant, couvroient les feuilles des blés ; j’en détachai plusieurs, avant le soleil levé, en leur présentant doucement un morceau de linge fin, bien usé & bien sec, & il n’y eut point de rouille. Je suivis des yeux l’évaporation des autres gouttelettes au soleil levant, après le soleil levé ; en un mot, jusqu’après leur entière dissipation : chaque gouttelette étoit dans le commencement assez diaphane pour me laisser appercevoir le tissu de la feuille. Je le voyois sur la fin de l’opération se soulever comme par boursouflement & par gerçures, ajouter un peu d’eau à celle de la gouttelette de rosée, & quelquefois la rendre plus volumineuse qu’elle ne l’étoit au moment précédent. Il y a plus : si je ne me suis pas trompé, j’ai cru appercevoir dans les gouttelettes un mouvement de rotation sur elles-mêmes, mouvement imprimé sans doute par l’évaporation successive de leur surface, à peu près semblable à celui qu’éprouve un grain de grêle arrondi, lorsqu’on le place sur une pièce de monnoie un peu lisse. Cette observation est à répéter, & je ne la présente que comme un apperçu ; mais si par la transpiration de la feuille, ou si par les gerçures, dans son épiderme boursouflée, il est sorti de l’eau, cette eau n’étoit pas pure, puisqu’elle contenoit en petit tous les principes qui composent la sécrétion des plantes. Ces principes ont été retenus & absorbés par l’eau des gouttelettes, qui réunis à ceux de la rosée, (consultez ce mot) ont concouru à former ce