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sultats. Les plantes mouillées de cette eau, qui tient en dissolution des sels amers, terreux, déliquescent, & que l’on a cru bitumineux, attirent, conservent la même humidité, avancent & perfectionnent ce rouissage. J’ai vérifié ce fait dans une de nos plages marines garnies de varech, sur lequel étoit déposé le chanvre. Plusieurs provinces de France ont dans leur voisinage des étangs, des marais salés, des cantons voisins de la mer, & où les terres à chanvre sont très-bien cultivées. On fera donc bien dans ces positions de profiter de l’eau de mer, si toutefois cette opération ne réveille pas trop l’inquiète vigilance des commis & employés des fermiers-généraux ; mais l’on pourroit présenter au contrôleur-général & au ministre de la marine, un mémoire détaillé sur les avantages de cette opération ; & il est à présumer que l’on obtiendroit un règlement à ce sujet.

Un autre défaut essentiel du rouissage fait à l’air & dans les champs, ce sont ces taches bien prononcées, d’un brun plus ou moins foncé, & qui tigre toutes les tiges. Ces taches, comme on l’a déja dit, n’ont lieu que lorsque la terre est martiale, c’est-à-dire, lorsqu’elle contient quelques parties de fer, lesquelles se divisent en forme de rouille ; elles tiennent si fortement que tout le travail des blanchisseries suffit à peine pour décolorer les toiles fabriquées avec des fils tirés de ces plantes. Aussi les rebute-t-on, malgré les bonnes qualités qu’elles ont d’ailleurs. L’on sait combien est fixe la marque que l’on imprime aux têtes des pièces de toile, & au linge de table, lorsqu’elle est faite avec la rouille de fer.

On doit donc éviter avec le plus grand soin, de mettre à rouir sur des champs de cette nature. Si l’on n’a pas de prairies, il convient de choisir des terrains pierreux, caillouteux, marneux, &c.

D’après ce qui a été exposé dans la première partie, & ce qui vient d’être dit sur le rouissage à l’air, on voit clairement combien cette façon de rouir est longue, embarrassante, laborieuse, & même, dispendieuse ; elle ne peut pas convenir aux grands cultivateurs, à moins que leurs possessions ne soient entièrement privées d’eau ; dans ce cas, il n’est guère probable qu’ils aient de bons champs propres à cette culture : le rouissage à l’air ne peut être utile qu’aux petits propriétaires, & encore doivent-ils préférer le rouissage à l’eau, lorsque la chose est possible.

Il y a très-peu de cas où le rouissage à l’air soit préférable à celui dans l’eau, parce que l’époque du rouissage sur le pré, approche du temps où les derniers soins vont être récoltés, où l’on met le plus utilement les bestiaux dans les pâturages, & où souvent il faut travailler & labourer les champs.

Le chanvre roui à l’air, avec les précautions indiquées, a donné des filasses superbes, qui flattent & brillent à l’œil ; elles sont un peu foibles, très-souples, bien affinées & soyeuses. Dans les pays méridionaux, où la fibre du chanvre est fine & forte, le ciel beau, les pluies rares, les rosées très-abondantes, on peut pré-