Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/765

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aisé de concevoir que dans l’hiver, & même pendant l’été si la saison est pluvieuse, ces bermes n’offriront que des ornières creusées, entretenues & approfondies par le passage continuel des voitures, & sur-tout des charrettes à deux roues, tirées par quatre ou par six chevaux ou mulets, & chargées de six à huit milliers. On dira sans doute que les conducteurs préféreront de les faire passer sur la partie pavée ; ils y seront forcés lorsque les bermes seront entièrement dégradées ; mais si deux voitures viennent en sens contraire, toutes deux sont obligées de mettre une de leurs roues sur la berme, & les deux autres sur le pavé : or, comme le pavé est bombé, ainsi que la berme, relativement au fossé, il y a donc une des deux roues de chaque voiture beaucoup plus élevée que l’autre ; mais comme le terrain de la berme est supposé pénétré par les eaux pluviales, & par conséquent mou, la roue qui porte sur la berme doit donc y creuser une ornière, & elle l’y creuse en effet plus ou moins profonde, soit relativement à la mollesse du sol, soit en raison du poids & du fardeau dont la charrette est chargée. Dès-lors la charrette perd son équilibre & verse ; c’est ce que l’on voit journellement arriver, surtout pendant l’hiver ; il est impossible qu’une charrette ordinaire qui rencontre une diligence ou une charrette chargée de foin, puisse porter leurs quatres roues sur un pavé de dix-huit pieds de diamètre, d’où il résulte que les conducteurs préfèrent les bermes, soit pour ne pas être sans cesse forcés à détourner leurs voitures, soit pour ménager la ferrure de leurs roues.

Ainsi quand on supposeroit à ces bermes quarante pieds de largeur au lieu de vingt, on n’en seroit pas plus avancé, puisque des ornières affreuses les sillonneroient de toutes parts. Le bon ordre exige donc que le milieu du chemin soit sacrifié aux voitures, & les bermes, aux cavaliers & aux piétons ; mais pour parvenir à ce point si désiré, le milieu de la route, destiné à être pavé ou empierré, ou gravelé, doit être de vingt-quatre pieds, & il restera six pieds de berme de chaque côté pour le passage des piétons. C’est, dira-t-on, augmenter d’une toise la largeur de l’encaissement, & par conséquent la dépense de la confection du chemin & de son entretien, L’objection est sans réplique, mais la solution du problème tient à ceci. Vaut-il mieux empierrer où paver la largeur de trois toises presque en pure perte, ou augmenter d’une toise le pavé & l’empierrement qui suffit & assure la bonté des chemins dans tous les cas possibles, si l’un ou l’autre sont bien entretenus ? D’ailleurs l’augmentation de dépense n’est-elle pas réduite à zéro par l’entretien d’un tiers de moins sur la largeur de la route totale ? Ce problème demande à être mûrement discuté par les administrateurs des états-provinciaux. En voici encore un qui demande également la plus grande attention. Doit-on planter la lisière des routes, & comment doit-on la planter ?

On ne peut nier que le bois de chauffage commence à manquer en France, & son prix qui, depuis vingt ans, a plus que doublé, le prouve assez. Il est donc essentiel qu’une sage administration veille de