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la toile serviront de filtre. Mettez ensuite, dans un vaisseau séparé, l’eau filtrée que vous obtiendrez.

Prenez de nouveau, la terre restée sur le filtre ; rejetez-la sur la première ; vuidez de nouveau sur le tout quinze à vingt pintes d’eau bouillantes ; agitez fortement, & laissez filtrer jusqu’à la fin, en observant, avant de commencer cette seconde lessive, d’ajouter de nouvelles feuilles de papiers gris. Deux feuilles placées l’une sur l’autre suffisent. On obtiendra par ce moyen, une véritable lessive qui s’appropriera tout ce qui est soluble dans cette terre. Mélangez la nouvelle eau filtrée avec la première mise en réserve, ensuite faites évaporer.

Il seroit facile d’accélérer l’évaporation par le moyen du feu ; mais la chaleur trop forte change beaucoup les principes & la manière d’être des corps. Il vaut beaucoup mieux avoir recours à l’évaporation à froid, qui s’exécute assez promptement dans un lieu où règne un grand courant d’air ; mais comme l’évaporation ne s’exécute que par les surfaces, le vaisseau dans lequel on jettera la lessive doit être peu profond & très-large.

À mesure que l’eau se dissipe, les principes se rapprochent ; & avant l’entière évaporation, les sels se réunissent en cristaux, & la partie terreuse, auparavant dissoute dans l’eau, se précipite au fond du vase. On aura beau laisser évaporer, il restera toujours un peu d’eau-mère, grasse & onctueuse au toucher. Pour s’en débarrasser, on incline doucement le vase ; on répète la même opération à plusieurs reprises différentes, & toujours très-doucement ; enfin on oblige cette eau-mère à occuper le moins d’espace possible. Si on ne peut la vuider sans qu’elle entraîne avec elle quelques parties du dépôt, on la laisse stationnaire pendant quelque temps ; enfin on l’absorbe en lui présentant doucement une éponge bien séchée. Il ne restera plus que le dépôt terreux & le dépôt salin qui aura cristallisé. Lorsque le tout sera parfaitement sec, on le pèsera, & son poids sera comparé avec la masse séchée qui est restée, ou sur le filtre ou dans le premier baquet. La différence de poids indiquera la quantité de terre végétale ou humus, & la quantité de sel que la terre contenoit. La portion graisseuse ou huileuse est amalgamée avec l’eau-mère ; on pourroit dire que c’est une véritable eau savonneuse, mais avec excès de sel.

Quelle espèce particulière retirera-t-on d’après cette expérience ? Il n’est guères possible de donner une règle sûre ; il est plus que probable de penser que ce sera un sel neutre, mais dont la base sera plus alcaline qu’acide, & son alcalinité sera plus forte en raison de la quantité d’humus que la terre soumise à l’expérience en contenoit auparavant. Il est bon de connoître ce sel. S’il est acide, si on le fait dissoudre dans une potion d’eau, & si on verse cette eau sur du sirop de violette étendu également dans l’eau, la couleur violette de cette eau sirupeuse deviendra rouge. Si, au contraire, le sel est alcali, la couleur violette verdira. Mais si le sel est neutre, la couleur restera intacte. Personne n’ignore que toutes les terres contiennent un sel quelconque ; ainsi