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tablettes pour loger les vers malades, ou simplement des claies, lorsque l’éducation n’est pas considérable. Enfin il faut proportionner le local au nombre, de même que dans une ville on bâtit un hôpital, dont la grandeur est proportionnée à sa population. Mais il faut surtout qu’on ait une très-grande facilite d’en renouveler l’air promptement, lorsqu’il est nécessaire. On doit comprendre l’importance de ce moyen : car la plus grande partie des vers qui périssent, ne meurent que par les effets d’un air vicié.

CHAPITRE IV.

De la feuille de mûrier.

Section première.

De la qualité de la feuille considérée comme nourriture du ver à soie.

Il faut consulter l’article Mûrier, afin d’éviter les répétitions, & surtout le chapitre XII, sur la qualité de la feuille.

Le mûrier pourroit être appelé arbre de soie, puisque son écorce est un assemblage de fibres soyeuses, qui se prolongent dans les pétioles des feuilles, & de-là dans toutes les nervures, & même dans leurs écorces supérieures & inférieures jusqu’au parenchyme ou substance molle & verte qu’elles renferment. Ce parenchyme est encore un mucilage soyeux, ou au moins d’une nature gluante, qui légèrement macéré dans l’eau, s’étend en manière de fil de soie. Le ver se nourrit donc d’une matière soyeuse, il ne la crée pas, mais il la prépare dans son estomac, comme l’abeille y prépare le miel & la cire. Quoi qu’il en soit de ces assertions, que je laisse à examiner aux naturalistes, toutes les feuilles ne sont pas également bonnes pour la nourriture des vers, comme il a été dit au chapitre XII déjà cité. On n’obtiendra jamais une soie de bonne qualité, lorsque les vers seront nourris avec la feuille d’un arbre planté dans un terrain gras & humide, & rarement une éducation réussit lorsqu’elle est faite avec cette sorte de feuille.

La meilleure feuille est celle d’un terrain sec, pierreux, sablonneux & élevé. Les arbres produisent moins que les précédens, toutes choses égale d’ailleurs, mais leurs feuilles sont plus savoureuses, & le principe nutritif n’est point trop délayé dans l’eau de la végétation. Si on mâche quelques-unes de ces feuilles, on reconnoîtra à la saveur, qu’elles sont plus mucilagineuses, plus douces, plus sucrées, que celles des mûriers plantés dans un terrain humide. Il est facile de prévoir combien il y a de nuances entre les principes nutritifs de ces arbres. 1°. Relativement à leur âge. Les feuilles d’un jeune arbre sont trop aqueuses, les sucs moins élaborés que celles des arbres faits & même vieux. La différente qualité du vin fait avec le raisin d’une jeune ou d’une vieille vigne, confirme ce que j’avance. 2°. Relativement à leur exposition. Le produit des mûriers plantés au nord, est toujours au-dessous du médiocre. Il est facile d’en comprendre la cause. Les feuilles des arbres plantés au levant & au midi, sont préférables à toutes les autres. Celles des côteaux l’emportent de beaucoup sur celles de la plaine.