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La graine qui surnage est mauvaise pour deux raisons ; 1°. parce qu’elle n’a pas été fécondée, & alors elle est de couleur jonquille : malgré cela, elle contient une humeur gluante & transparente. On la nomme graine vierge. Des auteurs prétendent qu’elle éclôt & qu’il en sort un ver à soie. L’expérience ne m’a jamais prouvé ce fait contraire aux lois générales de la nature. Quoi qu’il en soit de cette assertion, en supposant que la graine non-fécondée produise des vers, ils doivent être chétifs, foibles, & des consommateurs de feuilles sans profit. Le meilleur expédient est donc de les jeter. 2°. La graine peut être mauvaise, & surnager quoiqu’elle ait été fécondée, parce qu’elle aura été desséchée : alors elle n’est propre à rien, & ce seroit en vain qu’on prendroit la peine de la faire éclore.

Section II.

De l’époque & de la manière de faire éclore la graine.

Imitons la nature dans ses opérations. C’est le seul livre à consulter. Elle prépare par des gradations insensibles la chaleur nécessaire au développement des graines, des germes, des œufs ; elle n’agit pas ordinairement par sauts & par bonds. Chaque être a, s’il est permis de s’expliquer ainsi, son temps d’incubation. On peut retarder même d’une année l’époque où les œufs du ver à soie écloront, en les tenant dans un lieu où la température de l’atmosphère soit au-dessous du degré de chaleur convenable à la sortie du ver de sa coque ; mais l’art ne retardera qu’avec beaucoup de peine le développement des boutons du mûrier. Le ver à peine éclos doit se nourrir de sa feuille la plus tendre ; & comme la main de l’Éternel a fixé la feuille de mûrier pour la seule nourriture de cet insecte, il a donc également marqué le degré convenable à sa sortie de la coque. Cependant quoique le ver à soie & les mûriers soient acclimatés en France depuis plus de deux siècles, le ver a toujours retenu quelques qualités propres au pays d’où il a été transporté. Il convient donc que dans l’éclosion du ver, l’art seconde un peu la nature, & trompe la différence des climats que l’homme a rapprochés par son industrie intéressée… La coque de l’œuf du ver est criblée de pores, comme celle de l’œuf de la poule. C’est par ces pores que s’opère la transpiration qui, dans l’œuf de poule, occasionne le vide que l’on remarque ; & la diminution de sa partie glaireuse plus ou moins considérable selon le temps & le lieu où on le conserve ; mais la transpiration ne peut pas exister sans qu’il existe en même-temps une inspiration, puisque les poumons des petits poulets d’Indes, &c. éclos dans leurs œufs, & avant leur sortie, sont déja dilatés par l’air, au point, qu’en prêtant une oreille attentive, on entend leur gloussement ou petits cris. Ils diffèrent en cela de l’enfant dont le poumon ne se dilate, dont les bronches vésiculeuses ne s’ouvrent que lorsqu’il est sorti du ventre de sa mère. C’est alors que commence son inspiration & sa respiration. Il faut conclure de ces points de faits, établis ici pour bases fondamentales, que les différens procédés établis pour l’éclosion, sont pour la plûpart dangereux, & cependant