Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/365

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

violet domine sur ces dernières nageoires, aussi bien que sur les nageoires pectorales ; mais celles-ci ont du jaune vers leur base, et du noirâtre près de leur bord ; celles du dos et de la queue sont d’un bleu foncé, et le gris domine sur l’anale. Une sorte de croissant noir surmonte les yeux ; le bleu se mêle au jaune, pour teindre les côtés de la tête : le dos est noirâtre, le ventre presque blanc, et la couleur des côtés est un mélange de jaune, de blanc, et de noir. Quand la brème est parvenue à une certaine grosseur, l’œil saisit des reflets dorés qui se jouent sur ses côtés, et des bandes rougeâtre qui traversent le ventre.

Les lacs et les rivières dont le cours est peu rapide et le fond composé de marne, de glaise et d’herbages, nourrissent des brèmes ; on en peuple aussi les étangs, et je suis étonné qu’une espèce aussi profitable ne soit pas plus généralement multipliée en France. Il n’y a guères que quelques étangs et quelques lacs de l’Auvergne qui en soient remplis. Dans les pays du Nord, où les principes de l’économie publique et particulière sont bien connus et suivis, cette espèce de poissons passe pour la plus importante, et elle donne lieu à des pêches très-considérables en Prusse, dans le Holstein et le Mecklembourg, en Livonie et en Suède. L’on cite une pêche faite dans un lac de cette dernière contrée, dans laquelle on prit, en un seul coup de filet, cinquante mille brèmes qui pesoient 18,200 livres. M. Bloch, qui rapporte ce fait, (Histoire des Poissons) ajoute que, dans sa patrie, (la Prusse) quelques lacs abondent tellement en brèmes, qu’il n’est pas rare d’en prendre pour trois, cinq, et jusqu’à sept cents écus d’un seul coup.

Quel produit pour les propriétaires de ces fertiles réservoirs d’eau ! Quelle masse énorme de subsistance livrée à la consommation des peuples ! Aussi s’est-on attaché, dans les pays que je viens de citer, non seulement à augmenter le nombre des individus de cette espèce précieuse, mais on y a pris encore les soins en apparence les plus minutieux pour leur conservation et leur tranquillité. On a remarqué que les brèmes sont extrêmement craintives, et que le bruit les effraie au point de leur faire abandonner les lieux où elles aiment à se rassembler ; l’autorité publique, d’accord avec l’intérêt du peuple, est intervenue pour les protéger, et, pendant toute la durée de leur frai, il est défendu, en Suède, de sonner les cloches et de faire d’autre bruit, même aux jours de fêtes, dans les villages où l’on se livre à la pêche de ces poissons. Une pareille vigilance, étendue aux plus petits détails, caractérise un gouvernement paternel.

Et il est d’autant plus facile de propager la brème dans les eaux qui lui conviennent, et de se ménager les fruits d’une pêche très-productive, que l’on peut la transporter et en peupler les étangs avec très-peu de dépenses ; il suffit de prendre, au temps du frai, des plantes aquatiques sur lesquelles les femelles ont jeté leurs œufs, de les empiler dans un seau avec un peu d’eau, et de les déposer près de quelque rive unie et libre de tout embarras : au bout de quelques jours, l’on voit sortir des milliers de petites brèmes. « Je suis d’autant plus sûr du succès de cette expérience, dit M. Bloch, que je l’ai faite plusieurs fois dans ma chambre, et que de mes amis, à qui j’avois donné des herbes de cette espèce, (chargées d’œufs) ont vu les mêmes effets. Ils seront bien plus féconds, sans doute, si on met les œufs dans l’élément qui leur convient. Ces petits poissons ont vécu, pendant plusieurs semaines, dans ma chambre. »

D’un autre côté, la brème, dont l’ac-