Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/365

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contre les parois du pot, pour ne laisser de vide que le moins possible. On remplit ainsi le pot jusqu’à quatre travers de doigt de rentrée, avant d’y mettre de la graisse : on observe qu’elle ne soit pas bouillante ; on l’y verse peu à peu avec une grosse cuiller de bois : on en remplit le pot. Ordinairement les premiers morceaux sont aussi frais que ceux de l’intérieur. Nous devons ces détails d’économie domestique à M. Puymaurin, dont tous les délassemens ont un objet d’utilité générale.

Des usages économiques des oies. Avant la découverte du nouveau monde, les oies étoient extrêmement communes en France et dans les autres parties de l’Europe ; et il n’y avoit guères de repas un peu splendide où cet animal ne parût avec intérêt sur nos tables. C’étoit le régal que l’avocat Patelin offroit à M. Guillaume. En Angleterre, on mange une oie rôtie le jour de Noël, en mémoire de ce que la reine Elisabeth en avoit une sur sa table au moment où elle reçut la nouvelle de la destruction de la fameuse Armada de Philippe II, roi d’Espagne, qui devoit envahir l’Angleterre et détrôner cette reine. Il y avoit autrefois à Paris un marché particulier affecté au commerce des oies. Ceux qui les vendoient se nommoient oyers ; mais l’acquisition du dindon a pris la place de l’oie, à cause de son volume à peu près égal, et de sa chair beaucoup plus fine et plus délicate. À la vérité, les poussins d’Inde, moins faciles à élever que les oisons, ne sont pas, comme nous l’avons déjà dit, à l’abri de tous les événemens qui menacent leur existence, jusqu’à ce qu’ils aient poussé le rouge : l’oie est donc, de ce côté, supérieure au dindon, et même pour les différens produits ; aussi, dans les provinces où la culture du maïs est en considération, et où il y a des pâturages, l’oie est ce qu’elle étoit, il y a un siècle ; et il faut convenir que sa chair, ses plumes, son duvet, sa graisse, sa fiente, ne sont à dédaigner en aucun endroit où circonstances favorisent sa propagation.

Mais on n’achète pas toujours les oies, dans la vue de les engraisser. De gros propriétaires de la Beauce sont dans l’usage d’acheter des oies au moment de la moisson, et de les faire conduire sur les pièces de blé, après que les gerbes sont enlevées. La, elles ramassent tout le grain, qui seroit perdu sans cette espèce de glanage ; et c’est à peu près l’affaire d’un mois, jusqu’aux labours d’automne. Quoiqu’on ne les vende ensuite guères plus cher qu’on ne les a achetées, elles laissent cependant pour profit à la ferme leurs plumes et leurs duvets, et sur les champs où elles ont pâturé, l’engrais de leurs excrétions et celui qu’elles laissent dans les étables où elles passent la nuit, et qui, quoi qu’on en dise, n’est pas, moyennant quelques soins, nuisible aux champs et aux prairies.

La fécondité de l’oie est connue ; elle fait beaucoup et de gras œufs ; ils sont moins bons que ceux de poule, et servent peu, par conséquent, à la cuisine ; mais on a remarqué qu’ils pouvoient être employés avec avantage dans la pâtisserie, si on ne les destinoit de préférence à la couvaison.

L’oie rôtie est un manger délicieux ; on la sert en Languedoc sur les meilleures tables ; la classe la moins aisée, qui en fait la plus grande consommation, divise cet oiseau en quatre quartiers ; elle fait la soupe avec un de ces quartiers, comme avec du bœuf, et rissole ensuite l’oie à la casserole avec des pois, des fèves, des pommes de terre ou autres légumes, ce qui fournit un plat très-copieux et très-nourrissant ; mais il faut qu’elle ne soit ni trop jeune, ni trop vieille ; dans le