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tre bord doit, au contraire, aller en montant jusqu’à ce qu’il dépasse la perpendiculaire, afin que la motte de terre se renverse par son propre poids ; et, pour obtenir cet effet avec le moins de résistance possible, il faut que l’inclinaison de l’oreille augmente graduellement du moment qu’elle a reçu la motte de terre.

Dans cette seconde fonction, l’oreille opère donc comme un coin situé en travers ou montant, dont la pointe recule horizontalement sur la terre, tandis que l’autre bout continue de s’élever jusqu’à ce qu’il dépasse la perpendiculaire ; ou, pour l’envisager sous un autre point de vue, plaçons à terre un coin dont la largeur égale celle du soc de la charrue, et dont la longueur soit égale à celle du soc depuis l’aile jusqu’à l’arrière-bout, et la hauteur du talon égale à l’épaisseur du soc. Menez une diagonale sur la surface supérieure, depuis l’angle gauche de la pointe, jusqu’à l’angle à droite de la partie supérieure du talon ; adoucissez la face, en biaisant, depuis la diagonale jusqu’au bord droit qui touche la terre : cette moitié se trouve évidemment de la forme la plus convenable pour remplir les deux fonctions requises ; savoir, pour enlever et renverser la motte graduellement, et avec le moins de force possible. Si l’on adoucit de même la gauche de la diagonale, c’est-à-dire, si l’on suppose une ligne droite dont la longueur soit au moins égale à la longueur du coin, appliquée sur la face déjà adoucie, et se mouvant en arrière sur cette face parallèlement à elle-même, et aux deux bouts du coin, en même temps que son bout inférieur se tiendra toujours le long de la ligne inférieure de la face droite, il en résultera une surface courbe dont le caractère essentiel, sera d’être une combinaison du principe du coin, considéré suivant deux directions qui se croisent, et donnera ce que nous demandons, une oreille de charrue offrant le moins de résistance possible.

Cette oreille présente, de plus, le précieux avantage de pouvoir être exécutée par l’ouvrier le moins intelligent, au moyen d’un procédé si exact, que sa forme ne variera jamais de l’épaisseur d’un cheveu. Un des grands défauts de cette partie essentielle des charrues, est le peu de précision qui s’y trouve, parce que l’ouvrier n’ayant d’autre guide que l’œil, à peine en trouve-t-on deux qui soient semblables.

À la vérité, il est plus facile d’exécuter avec précision l’oreille de charrue dont il s’agit, quand on a vu une fois pratiquer la méthode qui en fournit le moyen, que de décrire cette méthode à l’aide du langage, ou de la représenter par des figures. Je vais cependant essayer d’en donner la description.

Soient données la largeur et la profondeur du sillon proposé, ainsi que la longueur de l’arbre de la charrue, depuis sa jonction avec l’aile jusqu’à son arrière-bout ; car ces données déterminent les dimensions du bloc dans lequel on doit tailler l’oreille de la charrue, supposons la largeur du sillon de neuf pouces, la profondeur de six, et la longueur de l’arbre de deux pieds : alors le bloc (fig. 1, Pl. V) doit avoir neuf pouces de largeur à sa base bc, et treize pouces et demi à son sommet ad ; car s’il n’avoit en haut que la largeur ae, égale à celle de la base, la motte de terre élevée perpendiculairement retomberoit dans le sillon par sa propre élasticité. L’expérience que j’ai acquise sur mes terres, m’a démontré que, dans une hauteur de douze pouces, l’élévation de l’oreille doit dépasser la perpendiculaire de quatre pouces et demi, (ce qui donne un angle d’environ vingt degrés et demi) pour que le poids de la motte l’emporte dans tous les cas sur son élasticité. Le bloc doit avoir douze pouces de haut, parce que si l’oreille n’avoit pas en hauteur deux fois la profondeur du sillon, lorsque vous labourez des terres friables ou sablonneuses, elles dépasseroient l’oreille en s’élevant comme par vagues. Il doit avoir trois pieds de long, dont un servira à former la queue qui fixe l’oreille au manche de la charrue.

La première opération consiste à former cette queue en sciant le bloc (fig. 2) en travers de a ou b sur son côté gauche, et à douze pouces du bout fg ; on continue l’entaille perpendiculairement le long de bc, jusqu’à un pouce et demi de son côté droit ; alors prenant di et eh égales chacune à un pouce et demi, on fait un trait du scie le long de la ligne de, parallèle au côté droit. Le morceau abcdefg tombe de lui-même, et laisse la queue cdehik d’un pouce et demi d’épaisseur. C’est de la partie antérieure abcklmn du bloc que doit se former l’oreille.

Au moyen d’une équerre, tracez sur toutes les faces du bloc des lignes distantes entre elles d’un pouce, il y en aura nécessairement vingt-trois : alors tirez les diagonales km (fig. 3) sur la face supérieure, et ko sur celle qui est située à droite ; faites entrer la scie au point m, en la dirigeant vers k, et en la descendant le long de la ligne ml, jusqu’à ce qu’elle marque une ligne droite entre k et l (fig. 5) ; en-