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c’est aussi par la torréfaction que les graisses acquièrent plus de sapidité, si l’on compare une graisse extraite de l’eau bouillante, et la même graisse obtenue sans eau et légèrement grillée, la première sera très-blanche, presque sans saveur et sans odeur, la deuxième, odorante et savoureuse.

En poursuivant cette observation pour tâcher de s’en rendre compte, nous en trouvons facilement l’explication, en examinant ce que sont la panne et les autres parties graisseuses des animaux, nous les voyons toutes plus ou moins consistantes ; ce sont des sucs huileux logés dans des membranes ou vésicules minces ou épaisses, recouvertes, le plus souvent, de petites ramifications veineuses qui portent des liquides sanguins ou lymphatiques. Si l’on divise par petits morceaux, ces matières graisseuses, et qu’on se détermine à les fondre sans addition d’eau, la chaleur racornit les membranes et les petits vaisseaux qui y restent ; la graisse prend alors de la couleur qui augmente à mesure que l’humidité se dégage ; on sent aussi une odeur assez agréable qui emporte avec elle cette humidité contenue dans la panne ; les muscles et les vaisseaux ont donné à la graisse ainsi préparée, cette odeur et cette sapidité qu’on lui trouve après l’opération, puisqu’il n’y a eu aucune addition que le calorique qui a servi, en racornissant les membranes, à extraire la graisse et les autres sucs. Toutes les parties constituantes de la panne ainsi rapprochées par la dissipation de l’humidité, et en contact avec la graisse, lui communiquent les propriétés qu’elle acquiert par cette préparation.

Pour fortifier de plus en plus l’opinion de M. Bourriat, je ferai remarquer que les graisses qui ont chacune le caractère des individus auxquels elles ont appartenu sont infiniment plus savoureuses, lorsqu’on les fait fondre et torréfier légèrement avec quelques petites portions de chair ; c’est alors qu’elles acquièrent une saveur et une odeur beaucoup plus agréables : dans cette circonstance, elles se combinent avec une plus grande quantité de sucs fournis par la chair, et se rapprochent par là de celles des rôtis.

La graisse de cochon, très-blanche, obtenue à l’aide de l’eau bouillante, est peut-être la seule qui n’acquiert pas, par la torréfaction, cette saveur agréable ; elle contracte seulement une sorte d’âcreté qui résulte du dégagement ou de la fabrication de l’acide acéteux qui a lieu dans cette circonstance.

Ce sont les différentes données que je viens de présenter qui ont déterminé M. Bourriat à recommander, pour la composition des soupes économiques, une préparation de graisse analogue à celle des viandes rôties, et qu’il n’est guères possible de se procurer qu’en petite quantité.

Après avoir recherché, s’il existoit dans le commerce des graisses plus abondantes les unes que les autres, s’il n’y en avoit pas d’un prix inférieur, si enfin quelques unes, en réunissant ces premières qualités, n’avoient point encore celles d’être plus sapides et d’une odeur plus marquée, M. Bourriat a trouvé deux de ces avantages, du moins dans les graisses de bœuf et de mouton : aussi ce sont celles-là qu’il a proposé d’employer ; la manière de les préparer consiste à choisir, de préférence, les parties graisseuses qui sont les plus accompagnées de muscles ou de chair musculaire, leur prix diminue même en proportion de ce qu’elles en contiennent ; on les divise par petits morceaux, on les fait fondre et un peu torréfier ; il faut alors les jeter dans un linge peu serré ; la graisse coule et doit être reçue dans un pot de grès. Lorsqu’elle est à moitié refroidie, on y ajoute du poivre, du girofle concassé, un bouquet de thym et de laurier ; aussitôt qu’elle est entièrement figée, on couvre le pot qui la contient et on la met dans un endroit tempéré ; il ne s’agit plus que d’ajouter cette graisse à la soupe, trois heures avant d’en faire la distribution.

Composition des soupes aux légumes. Chargé par le comité général de bienfaisance d’examiner toutes les propositions faites au gouvernement, dans la vue de procurer une subsistance aux hommes que le défaut de travail et les événemens de la révolution a réduits à un dénûment absolu, j’ai consigné, dans plusieurs rapports présentés au ministre de l’intérieur, les divers moyens qui pouvoient provoquer et multiplier les établissemens de soupes économiques ; deux de ces rapports ont été publiés par ses ordres, l’un en l’an 8, et l’autre en l’an 9. M. Cadet Devaux, dont le zèle et la philanthropie sont connus, en a donné un extrait dans le journal d’Économie rurale et domestique, n°. 22, nivose an 13. Après avoir payé, comme nous l’avons fait, un juste tribut de reconnoissance à M. le Comte de Rumford et à M. Benjamin Delessert, il ajoute que l’idée des soupes économiques a été conçue par un médecin français (Helvétius), et qu’on la trouve dans son Traité des maladies les plus fréquentes, et des remèdes spécifiques pour les guérir, avec la méthode de s’en servir pour l’utilité du public et le