Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/675

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lièvre étoit tombé forcé, ou à la suite d’un coup de fusil ; il ne souffroit pas qu’aucun autre chien en approchât ; il se couchoit auprès, et le gardoit jusqu’à ce que son maître vînt le prendre. Ce fidèle dépositaire n’auroit pas permis que tout autre que son maître, à moins que ce ne fût un chasseur qu’il eût habitude de voir, vînt lui ravir le fruit de ses peines, et il se seroit jeté avec fureur sur quiconque auroit tenté de le lui enlever.

Le lièvre pris, on le laisse fouler aux chiens ; puis on les fait retirer pour dépouiller l’animal et le couper par morceaux, que l’on mêle avec du pain. Après cette curée, que des fanfares accompagnent, on conduit les chiens se désaltérer à l’eau la plus voisine.

De la chasse du lapin. Les chiens courans chassent le lapin comme le lièvre ; mais on se sert plus ordinairement, pour cette chasse, de chiens bassets, qui la rendent fort agréable. Du reste, elle ne diffère en rien de celle du lièvre.

De la chasse du sanglier. Il ne peut être question ici que de la chasse à force ouverte ; les autres manières de chasser, ou plutôt de tuer le sanglier, ont été décrites à l’article de cet animal, ainsi que les connoissances nécessaires pour le bien juger, c’est-à-dire pour bien distinguer son âge, son sexe et sa force.

Il ne faut pas chasser le sanglier avec les bons chiens courans destinés pour le cerf et le chevreuil ; cette chasse leur gâteroit le nez, et les accoutumeroit à aller lentement : des mâtins un peu dressés suffisent pour la chasse du sanglier, sur-tout quand on ne veut pas le forcer, et que l’on se contente de le tirer. Les grands équipages pour la chasse du sanglier, sont ordinairement composés de trente à quarante chiens. Les piqueurs et les valets doivent être très-entendus. Cette chasse est extrêmement pénible ; les veneurs sont obligés de parler sans cesse aux chiens qui se rebutent souvent, sur-tout quand ils suivent un vieux sanglier ; on choisit des chevaux ardens et vigoureux, et ceux qui les montent ne doivent pas craindre les branches des lieux les plus fourrés de la forêt, que les sangliers recherchent avec préférence.

On emploie, pour détourner le sanglier, la méthode en usage pour détourner le cerf ; cependant il faut parler à son limier en termes plus pleins et plus gros, sans néanmoins élever trop la voix. Il est important d’avoir des limiers bien dressés pour cette chasse, et cette instruction exige beaucoup de soins et de patience. Ce n’est pas qu’un jeune limier ne veuille d’abord des voies de l’animal, mais il se rebute quelquefois à cause du sentiment du sanglier, et les lieux fourrés et marécageux qu’il est forcé de traverser le découragent.

Il ne faut attaquer que les plus vieux sangliers. On place les relais à portée des forts qui sont dans des fonds où il y a quelque ravin ou quelque ruisseau. Le veneur qui laisse courre, tenant le trait de son limier tout déployé, mettra son chien sur les voies aux brisées : il avancera d’une dizaine de pas sur ces voies, et, s’y arrêtant de pied ferme, il parlera au limier pour l’encourager, le fera appuyer sur le trait jusqu’à ce qu’il ait revu de l’animal ; alors il crie : vloo, vey-leci allais, vey-leci allais ; la trompe sonne pour faire découpler les chiens de meute, qui ne sont pas plutôt libres qu’ils vont à la bauge. Les piqueurs les appuient de près et sans cesse, de la trompe et de la voix, sans les quitter un seul instant ; car un sanglier méchant, qui ne sent personne aux chiens, les charge, et les tue. Les mots que l’on dit aux chiens, sont : hou, hou, valets ; perce là haut mes beaux ; perce là haut ; ça va hau, ca va hau ; les piqueurs doivent les prononcer d’une voix forte.

Les sangliers qui donnent à l’essai, c’est-à-dire qui donnent de leurs défenses contre les baliveaux qu’ils rencontrent, sont dangereux. Voici un moyen bien simple de préserver les chiens d’être décousus (éventrés) ou tués à l’attaque par les solitaires ou par d’autres sangliers. Je laisserai parler M. Desgraviers, à qui l’on doit tant de connoissances utiles sur l’art de la vénerie : « Un vieux solitaire, dit cet habile veneur, ne sort pas de sa bauge facilement ; il écoute pour l’ordinaire les chiens venir